En deux jours, la Guinée a reçu plus de 21 milliards de dollars d’engagements. Le gouvernement guinéen a réuni jeudi et vendredi plus de 300 partenaires potentiels pour lever des fonds. L’objectif: financer le plan de développement que le pays s’est fixé pour atteindre 10% de croissance en 2020. Mission accomplie, si les engagements pris, qui équivalent à plus de trois fois son PIB, sont respectés.
Un résultat largement au-delà des espérances. En organisant jeudi et vendredi à Paris une levée de fonds géante visant les investisseurs étrangers pour financer son plan national de développement, la Guinée voulait avant tout « avoir l’adhésion de [ses] partenaires » pour « développer des partenariats stratégiques » selon Kanny Diallo, la ministre du Plan et de la coopération internationale, jointe par BFMBusiness.com. Avec plus de 21 milliards de dollars de promesses engrangées, le pari est réussi. Un montant total d’engagements absolument colossal au regard du PIB du pays (6,3 milliards de dollars, soit 5,3 milliards d’euros).
Frappée de plein fouet par le virus Ebola (plus de 2500 morts dans le pays et deux années de récession) et par la chute du prix des matières premières, la Guinée cherche à sortir durablement la tête de l’eau. La tendance est favorable, avec une croissance qui s’est élevée à 6,6% en 2016, mais le gouvernement s’est fixé un objectif élevé: 10% en 2020.
Pour ce faire, le pays a donc mis en marche un grand plan de développement (le PNDES, pour plan national de développement économique et social) qui s’étire jusqu’en 2020 et repose sur différents piliers, comme l’amélioration de la gouvernance et la transformation économique, entre autres. L’objectif, c’est de financer des investissements en infrastructures dans le secteur minier, l’énergie, les transports ou encore l’agro-industrie. « 80% de nos terres arables sont non-exploitées » illustre Kanny Diallo.
L’objectif de départ s’élevait à 4,5 milliards de dollars
Le plan, d’un budget total de 14,6 milliards de dollars (12,4 milliards d’euros) est financé selon la ministre à « 30% par le budget de l’État, à 38% par des partenariats public/privé (PPP) et à 32% par des partenariats internationaux », que la Guinée est donc venue chercher à Paris, avec succès, si l’on s’en tient aux engagements pris.
L’objectif de départ s’élevait à 4,5 milliards de dollars (3,8 milliards d’euros), un montant largement dépassé par les plus de 21 milliards promis. Interrogée à l’occasion d’un point presse sur les capacités de la Guinée à absorber cette manne supplémentaire, Kanny Diallo a reconnu que le pays avait eu pendant longtemps des « problèmes sur le sujet », avant d’assurer « qu’un programme de renforcement des capacités » avait été élaboré. Quant au respect des promesses tenues, le gouvernement se dit confiant car les partenaires sont « crédibles », et garantit qu’un « suivi de la mobilisation des ressources » sera mis en place.
Un vœu pieu? Interrogé un peu plus tôt dans la semaine par l’AFP, l’économiste d’Euler Hermes Stéphane Colliac avait mis en garde: « Avec un pays de cette gouvernance-là, avec ce niveau de climat des affaires, on peut s’attendre à un écart entre les promesses et les réalisations » avait-il expliqué. Il est vrai que le climat des affaires est encore très incertain, en témoigne la 153e place sur 190 pays qu’occupe la Guinée dans le classement Doing Business de la Banque mondiale.
La France a promis 591 millions
Au rayon des bailleurs de fonds, on trouve à la fois des institutionnels comme le FMI, la Banque mondiale (1,6 milliard de dollars), la Banque islamique de développement (1,4 milliard), la Banque africaine de développement (725 millions), l’Union européenne (500 millions) ou encore la France (591 millions de dollars) – sachant que la Chine s’était déjà engagée en septembre à verser 6 milliards de dollars – mais aussi plusieurs investisseurs privés qui ont au total promis plus de 7 milliards de dollars.
Au-delà des engagements financiers, certains partenariats prennent une forme différente. Veolia a signé en 2015 un contrat de gestion d’un montant de 14 millions d’euros avec l’État guinéen pour la compagnie nationale Électricité de Guinée (EDG). D’une durée de 4 ans, il prévoit que le groupe français détache des experts auprès d’EDG, afin de « participer au redressement du secteur de l’électricité » et de « faire d’EDG une société autonome, solvable » explique Abdenbi Attou, cadre de Veolia et administrateur général de la compagnie d’électricité guinéenne pendant la durée du contrat.
« Potentiel hydroélectrique énorme, comme pour le solaire »
Concrètement, Veolia gère « un portefeuille de 350 à 400 millions d’euros, financés par les bailleurs de fonds internationaux, pour la réalisation de différents projets » comme l’amélioration du réseau, l’installation de compteurs, ou encore la formation et la montée en compétences des personnels locaux. Un investissement motivé par « le potentiel hydroélectrique énorme, comme pour le solaire », et « des besoins énormes en termes de production » détaille Abdenbi Attou.
La Guinée dispose également de très importantes ressources minières: le pays détient un tiers des réserves mondiales de bauxite. Le PNDES a d’ailleurs comme objectif de sortir la Guinée d’une certaine dépendance à l’extraction minière, en tout cas en ce qui concerne les exportations. « Le plan ambitionne de faire de la Guinée une économie diversifiée. Nous ne voulons pas être une économie minière » confirme la ministre Kanny Diallo.
Le potentiel de la Guinée a donc réussi à séduire les investisseurs étrangers, malgré ses handicaps. « La loi sur les partenariats public/privé vient d’être adoptée, comme la loi anticorruption. La Guinée est un pays où il est sûr d’investir » plaidait Kanny Diallo avant la réunion. « Tout dépendra de la façon dont on arrivera à convaincre les investisseurs » espérait-elle alors. Son message a apparemment été entendu.