Le lancement de l’Apple Watch Series 3 a jeté la lumière sur une nouvelle évolution de la carte SIM encore balbutiante en France mais qui devrait apporter plus d’autonomie et de souplesse aux utilisateurs.
Si le lancement l’Apple Watch Series 3 a créé l’événement, ce n’est pas seulement parce qu’elle embarque une carte SIM lui permettant de se connecter indépendamment du smartphone. Cette dernière a aussi pour particularité d’être une eSIM (embedded SIM), ce qui veut dire qu’elle est directement intégrée dans le terminal.
Une rareté en France où l’on ne compte qu’un seul autre produit grand public ainsi équipé : la montre Samsung Gear S2 3G. « C’est une évolution qui a été développée il y a sept ans pour le domaine des communications entre machines », nous explique Benoît Jouffrey, Vice-président connectivité et solutions embarquées de Gemalto. La société française participe à plus d’une cinquantaine de projets dans le monde via son service On Demand Connectivity, une plate-forme de gestion des eSIM à destination des opérateurs et des fabricants.
L’eSIM permet de télécharger des données à distance
« La standardisation de l’eSIM pour le marché grand public n’est intervenue que récemment. Mais attention, elle n’est pas forcément soudée à l’appareil et peut être déployée sous différents formats comme le traditionnel plug-in. Sa propriété fondamentale, c’est le « remote provisioning », soit le fait de pouvoir télécharger les données de l’opérateur à distance », ajoute Benoît Jouffrey. Les fabricants de produits grand public privilégient toutefois les cartes eSIM soudées qui présentent l’avantage de gagner de la place et de faciliter l’étanchéité des appareils équipés. Cela a nécessité un travail de longue haleine mené depuis plusieurs années, notamment par Samsung et Apple notamment, comme le dévoilait le Financial Times en juillet 2015.
Vers un parcours client totalement dématérialisé
Pour s’abonner à une offre mobile, il faut à l’heure actuelle se procurer une carte SIM contenant déjà toutes les informations de son profil. On l’insère ensuite dans son terminal. L’eSIM permet exactement l’inverse. On achète un terminal avec une eSIM, et on y télécharge ensuite les données de l’opérateur. Cela nécessite toutefois d’avoir souscrit préalablement une option Multi-SIM payante en plus de son forfait.
Mais l’eSIM constitue bien une petite révolution pour les usagers. « Cela permettra à terme de mettre en place des parcours de vente entièrement numériques », fait observer Laetitia Orsini-Sharps, directrice marketing mobile chez Orange. Plus besoin en effet d’attendre de recevoir une carte SIM par la poste ou de la quémander en boutique, puis de la manipuler. Tout le processus, de l’achat du matériel à la souscription d’un forfait opérateur, se fera entièrement en ligne. Simple et rapide. Reste une inconnue : l’eSIM va-t-elle inciter les utilisateurs à changer plus facilement d’opérateur ? Il va falloir attendre que tous les acteurs du marché aient rendu leur réseau compatible avec cette technologie pour répondre à cette question.
Multiplier les objets connectés avec un numéro de téléphone unique
L’autre grand avantage, c’est de pouvoir multiplier les objets connectés rattachés à une même offre mobile avec un numéro de téléphone unique. Ce qui devrait encourager le grand public à s’équiper. Pour le moment, il s’agit essentiellement de montres connectées, mais la gamme de produits ne devrait pas tarder à s’élargir aux tablettes et aux voitures. PSA annonce ainsi son intention d’équiper ses véhicules connectés d’eSIM.
Google vient, par ailleurs, de lancer les premiers smartphones au monde embarquant une eSIM avec ses Pixels 2 et 2 XL. Toutefois, ils ne sont pas commercialisés en France et seuls les abonnés du service Project Fi de Google sont en mesure d’utiliser l’eSIM. Les autres peuvent heureusement y insérer une carte SIM traditionnelle.
Il faudra donc attendre encore un peu avant d’accéder dans notre pays à des smartphones ainsi équipés. Par ailleurs, seul Orange est capable de commercialiser des appareils avec des eSIM en France pour le moment. Ce qui a nécessité une mise à jour complexe de son cœur de réseau, ainsi que quantité de tests. « Il a fallu s’assurer que l’on puisse télécharger les données à distance de manière sécurisée. Mais aussi qu’il n’y ait pas d’interférences radio entre les différents réseaux et les multiples appareils d’un même utilisateur connectés simultanément », souligne Nicolas Roy, directeur technique réseaux et services Orange France.
Un porte-parole de Bouygues Telecom nous a assuré plancher sur le sujet et pouvoir bientôt rendre lui-aussi son réseau compatible. Il était temps. Le cabinet d’études IHS Markit prévoit l’arrivée des premiers smartphones eSIM à plus grande échelle pour 2018. Quant au marché, il est promis à une belle ascension et pourrait atteindre le milliard d’unités d’ici 2021.