Depuis la sortie médiatique du professeur constitutionaliste Babacar Guèye sur la possibilité pour Macky Sall, de briguer un troisième mandat en 2024, la polémique ne cesse d’enfler sur les réseaux sociaux, au sein de la classe politique et dans l’opinion publique sénégalaise.
Le Pr Guèye avait affirmé le dimanche 8 octobre dernier au cours de l’émission « Grand Jury » de Mamoudou Ibra Kane, sur la Rfm dont il était l’invité, que « juridiquement », Macky Sall peut songer à « briguer » un troisième mandat comme l’avait fait Wade.
Selon le constitutionnaliste, si on applique la jurisprudence du Conseil Constitutionnel sur le troisième mandat, en l’absence de dispositions transitoires dans la nouvelle Constitution, par rapport au décompte du mandat, le président Macky Sall, s’il gagne en 2019, peut envisager juridiquement de se présenter en 2024 en toute légalité.
Son argumentaire consiste à dire que « quand on faisait la révision constitutionnelle, on a oublié quelque chose. Il n’y a pas de dispositions expresses qui refuseraient à Macky Sall de se présenter en 2024. Quand on a révisé la Constitution, on devait légiférer des dispositions transitoires pour prévoir que le mandat en cours fait partie du décompte des deux mandats que le président peut avoir. Mais, ce mandat en cours qu’il exerce depuis 2012, si nous appliquons la Constitution à la lettre, on peut considérer qu’il ne fait pas partie du décompte », explique-t-il.
Ce qui fait, poursuit-il, que le président Macky Sall, peut envisager, juridiquement, s’il gagne en 2019, de se présenter en 2024, comme l’avait fait le président Wade, si nous appliquons la jurisprudence du Conseil Constitutionnel sur le troisième mandat. « C’est une question de succession de lois dans le temps, ‘Lex posterior derogat priori’ (Ndlr: Une loi postérieure déroge à une précédente). Il est possible de se rattraper en faisant une autre révision constitutionnelle » a, sans détour, annoncé M. Guèye.
Il n’en fallait pas plus pour provoquer un tollé général et un déferlement d’indignation, de critiques et d’attaques virulentes contre le constitutionnel que d’aucuns qualifient de danger pour la société. C’est le cas d’Amath DIOUF, le Coordinateur national des Jeunes Boucliers de la République (JBR), qui s’est indigné des propos du professeur « Il fait exprès d’oublier le mobile de la révolution du 23 juin, l’engagement et le rôle dont le Président Macky Sall avait fait montre à l’époque ; Il est inadmissible qu’au Sénégal, à pareil moment de l’évolution positive de notre démocratie, conduite par le Président Sall, qu’on nous parle de possibilité d’un troisième mandat. Il faut arrêter. La constitution a été claire en son article 27 ; Les Sénégalais retiendront de Macky Sall, un partisan de la stabilité démocratique, un combattant pour la réduction des inégalités sociales, un taliban de la révolution économique du Sénégal. Il avait combattu becs et ongles, dans sa position d’opposant, le troisième mandat de Me Abdoulaye Wade » a réagit le Coordinateur des Jeunes Boucliers de la République.
Victime d’injures et de moqueries, le Professeur Guèye s’est donc vu dans l’obligation de s’expliquer sur ses propos. Il se dit incompris par rapport à ses explications qui, selon lui, sont un avis technique « en regardant la Constitution, je n’ai pas vu de dispositions transitoires disant que le mandat de sept ans est le premier des deux que Macky Sall doit faire; la révision constitutionnelle de mars 2016, a été rédigée de telle sorte qu’on peut raisonnablement penser qu’il est possible que le président Macky Sall brigue un 3ème mandat », persiste Babacar Guèeye.
Il estime qu’il y a dans cette affaire un problème de succession de lois « la première est relative à l’article 27, issu de la Constitution de 2001, et cette révision constitutionnelle de mars 2016, qui ne mentionne plus de mandat de 7 ans. Donc comme dans une succession de lois, la dernière abroge la première. J’en tire la conséquence que le président Macky Sall peut faire deux mandats de 5 ans, puisque l’article 27 n’évoque pas de mandat de 7 ans ».
Pour la présidence sénégalaise, cette polémique est inopportune et n’a pas sa raison d’être, El Hadji Hamidou Kassé, conseiller en communication du président Macky Sall, estime que le débat sur le mandat présidentiel est clos suite au référendum du 30 mars 2016. « Nous ne sommes pas dans le cadre d’une nouvelle constitution; en 2016, il s’est agi d’organiser un référendum sur un ensemble de points dont un sur la durée du mandat présidentiel. Par conséquent, la question ne portait pas sur le nombre et la durée du mandat présidentiel », explique Hamidou Kassé.
Il précise que contrairement à ce que croit le Pr Guèye : « Nous sommes dans une continuité ; par conséquent, on n’a pas besoin de dispositifs transitoires. En toute logique, dès lors que le problème ne se pose pas, on n’a pas besoin de dispositifs transitoires. Seul un référendum pourrait permettre une nouvelle révision de la constitution qui a été verrouillée ».
« Politiquement, le président Macky Sall a, lui-même, proposé le verrouillage au référendum de 2016, des dispositions relatives au mode du scrutin, à la durée du mandat et au nombre de mandat ; ça veut dire que ces dispositions ne sont susceptibles d’aucune révision sauf si le peuple sénégalais adoptait une nouvelle constitution », tranche Hamidou Kassé.
Cet épisode démontre à quel point les Sénégalais sont unanimement intransigeants face au respect de la constitution, et dénote que « si la responsabilité est la quatrième dimension du journalisme », selon Justin Morel Junior, cette même responsabilité qui guide les hommes des médias, est aussi valable pour nos imminents hommes de droits.
Mamadou Aliou DIALLO
Envoyé spécial à Dakar pour JMI
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