Journée Africaine de la Décentralisation 2017 : Plus d’opportunités pour notre jeunesse

La persistance des conflits et des guerres sur le continent continue à alimenter l’incertitude dans la détermination des dirigeants africains à s’efforcer et à proposer une vie meilleure pour les jeunes et les générations futures

Cette année 2017, le thème de la Journée Africaine de la Décentralisation et du Développement Local (JADDL) de l’Union Africaine qui est célébrée ce jour, 10 août, est axé sur la «participation des jeunes». Aux niveaux des collectivités locales et de CGLU-Afrique (www.AfriqueLocale.org), nous le traduisons comme «Investir dans la jeunesse». Il semble que nous n’exprimions de cette manière que l’évidence. Selon le Bureau du recensement des Etats-Unis, en 2010 63% de la population totale africaine est âgé de moins de 25 ans. L’âge moyen de la population africaine est de 19 ans. Nous parlons de plus de 300 millions d’âmes qui deviendront 500 millions en moins de 20 ans, à partir de maintenant.

Est-ce une menace ou une opportunité ?

Une menace si l’on considère que l’Afrique enregistre les pires résultats scolaires dans la tranche d’âge de 6 à 14 ans, avec 51% qui ne sont pas scolarisés. Cela se traduit par l’émergence du phénomène des «enfants de la rue» dans les villes africaines où de plus en plus d’enfants et de jeunes sont sans abri et vivent et dorment dans les rues.

Selon le BIT, en Afrique subsaharienne, 3 sur 5 chômeurs sont des jeunes et 72% de la population de jeunes vivent avec moins de 2 $ par jour. Par ailleurs, 10 à 12 millions de jeunes rejoignent chaque année le marché du travail, venant ainsi grossir d’année en année, les rangs des pauvres travailleurs africains.

L’UA a déclaré 2009-2018 «la Décennie de la jeunesse africaine», mais les jeunes africains ne ressentent aucun effet palpable de cette déclaration politique. La persistance des conflits et des guerres sur le continent continue à alimenter l’incertitude dans la détermination des dirigeants africains à s’efforcer et à proposer une vie meilleure pour les jeunes et les générations futures, sans parler de toutes les décisions défavorables à l’égard des jeunes en raison de la mauvaise gouvernance qui prévaut sur le continent.

Evidemment, il n’y a pas de solutions rapides pour régler la situation des jeunes et désamorcer la bombe du chômage, et la réalité est que de plus en plus de jeunes en Afrique perdent l’espoir de pouvoir concrétiser leur rêve sur le continent. Par conséquent, leur lutte désespérée de parvenir à réaliser une meilleure vie en dehors du continent, les pousse à prendre des risques incroyables pour tenter de traverser la Méditerranée au détriment de leur propre vie.

La situation est-elle définitivement désespérée ? Bien sûr que non ! Même si beaucoup d’inquiétudes persistent.

La première bonne nouvelle est que l’Afrique représente plus de 30% de la population mondiale des jeunes. L’Afrique est le continent le plus jeune au monde : 21% des 1,2 milliard habitants du continent ont entre 15 et 24 ans, alors que 42% ont moins de 15 ans. Au cours des 20 prochaines années, l’Afrique aura l’opportunité de bénéficier d’un «dividende démographique», qui se traduira par une main-d’œuvre importante soutenant moins d’enfants et de personnes âgées, réduisant ainsi le fardeau de la dépendance et libérant des ressources pour le développement et l’amélioration de la productivité. Il y a de bonnes raisons d’espérer que les efforts en matière d’éducation peuvent produire des résultats en termes de main d’œuvre qualifiée et de meilleure qualité. Dans ce sens, les jeunes devraient être considérés comme les acteurs clés et uniques pour la transformation structurelle économique et sociale de l’Afrique. Ils constituent l’énergie et la créativité de l’avenir. C’est de là que proviendront le renouveau et la renaissance de l’Afrique.

La deuxième bonne nouvelle est la détermination des jeunes du continent à prendre le contrôle de leur destin, en créant leur propre emploi dans l’économie populaire, en s’investissant dans l’économie de la technologie en vue d’adapter les nouvelles technologies à la réalité du contexte économique de l’Afrique.

Mais ces bonnes nouvelles demeurent fragiles. Pour transformer ces potentialités émergentes en capacités avec un véritable effet d’échelle et une mise en œuvre efficace sur le terrain, il faut transformer radicalement l’approche actuelle, selon laquelle les sociétés africaines abordent la participation des jeunes. Il faut des mesures positives pour créer un environnement propice à la participation des jeunes dans la société ; et les collectivités locales devraient être à l’avant-garde de cette entreprise.

L’une des initiatives remarquables à cet effet est la proposition faite par le Réseau des Femmes Elues locales d’Afrique (REFELA) qui constitue la commission permanente sur l’égalité des genres de CGLU Afrique, de lancer cette année une campagne sur les «Villes africaines sans enfants de la rue» en vue d’aborder ce phénomène émergent avant qu’il n’échappe au contrôle. Toutes les collectivités locales africaines sont invitées à participer à cette initiative.

Les collectivités locales devraient être également proactives dans la création d’opportunités pour les jeunes :

  • Organiser des opérations de journées portes ouvertes pour les jeunes afin de les familiariser avec le fonctionnement des conseils et administrations locaux ;
  • Encourager la création de conseils municipaux pour les jeunes, qui appuient et préparent les jeunes à mieux comprendre l’exercice des responsabilités en matière de gestion de ville ;
  • Ouvrir un service de la jeunesse dans les locaux de la mairie pour recueillir les idées des jeunes sur la voie à suivre en vue d’aborder efficacement les questions brûlantes qui entravent l’amélioration des conditions de vie des populations ou qui peuvent accroître l’efficacité de la fourniture de services aux populations;
  • Lancer un programme d’habilitation pour les jeunes qui aborde les principales préoccupations des jeunes, y compris la création d’emplois ; l’appui à l’entrepreneuriat ; l’éducation, la culture, les arts et le patrimoine ; les sports et les loisirs ; etc.

Mais pour que les collectivités locales adoptent une position proactive, elles doivent elles- mêmes être habilitées par leurs pouvoirs centraux. Il est frappant de constater qu’en dépit de la forte volonté politique exprimée par les Chefs d’État et de Gouvernement de l’Union Africaine qui ont adopté la Charte Africaine sur les Valeurs et Principes de la Décentralisation, de la Gouvernance Locale et du Développement Local lors de leur assemblée de juin 2014 à Malabo, en Guinée Equatoriale ; seuls 11 membres de l’UA l’ont signée et seulement 2 l’ont ratifiée.

Et sans mentionner les situations où les élections locales ne sont pas organisées régulièrement et à bonne date pour permettre aux populations de choisir démocratiquement leurs dirigeants locaux ; et pire encore, des élus font actuellement l’objet de remplacement par des personnes nommées pour gérer les collectivités locales.

Il s’agit d’une manifestation claire que la célébration d’une Journée de la Décentralisation n’aura aucun sens, si les membres de l’Union Africaine ne peuvent même pas honorer des engagements pris par leurs Chefs d’Etat et de Gouvernement. Rappelons-nous toujours ces mots de la sagesse égyptienne : « Le cœur de la question ne consiste pas à spéculer autour de l’action, mais à agir ».

Rabat, le 10 août 2017
Jean Pierre Elong Mbassi
Secrétaire-Général, CGLU-Africa