Une des forces du Projet d’accès au service public de l’eau à Boffa, est d’avoir su intégrer avec flexibilité, les approches conceptuelles traditionnelles de l’eau, en créant ou en réhabilitant les forages mécaniques, ou en introduisant des innovations comme « l’eau au fil du soleil ».

Ce procédé assure une fourniture constante grâce à un système de panneaux solaires, qui permet accessoirement de charger des terminaux téléphoniques. C’est une activité innovante qui crée à la fois un intéressement financier, avec le paiement des recharges par les clients au fontainier. Ce dernier y trouve une source de revenus intéressants pour continuer à assurer le service de l’eau au niveau des populations. Le point d’eau devient ainsi un lieu d’échanges attractifs et une escale de nécessaire sociabilité dans le village.

Fanta Diaby, une paysanne rencontrée à Samassamayah, à quelques 65 Km du centre-ville de Boffa est un modèle de femme leader dont l’exigence est saluée de tous. Elle comprend parfaitement son rôle et impose naturellement la discipline autour d’elle pour le bien de tous. Elle se présente avec un admirable détachement.

« Je suis la fontainière désignée par la collectivité donc responsable de cette borne depuis bientôt un an. Je suis là et j’exige de tout le monde le paiement de 100 francs guinéens pour le bidon de 20 litres. Aujourd’hui, tout le monde est content comme vous le voyez, il y a beaucoup de monde ici, mais si jamais demain, il y a une panne de notre pompe, tout le monde disparaîtra. Et ce sont des plaintes et des jurons qui vont fuser… Alors, je fais attention !». Et de renchérir «En plus, je veille pour que ceux qui ont plus de moyens n’en profitent pas pour se servir plus que les autres, sans respecter l’ordre d’arrivée. Pour aller revendre ailleurs 10 fois plus cher. Je surveille donc avec vigilance l’ensemble des opérations. Je n’accepte pas que certains remplissent tous leurs bidons du coup, quand d’autres n’ont qu’un bidon à remplir. Même s’ils sont pressés de payer. Cette eau doit être partagée consciencieusement. »

À ceux qui, après tout pensent que l’eau à 100 francs guinéens, c’est encore cher, car dans l’esprit traditionnel, “ l’eau ne doit pas être vendue”, elle répond : « ce sont les mêmes qui vont payer un sachet de 300 ml d’une autre eau à 500 francs guinéens, car c’est dans un emballage. Ce sont des complexés, car avec la même la somme, ils pourraient ici à la fontaine publique, s’offrir 100 litres d’eau potable pour leurs familles. Depuis huit ans que je suis là, j’ai vu souvent les gens changer d’avis et reconnaître qu’ils s’étaient trompés. Pour faire mon travail, j’ai appris à être tolérante et patiente… ».

El Hadj Mohamed Fadiga est le serein et sympathique imam de Tougnifily, à environ 65 km de Boffa Centre. Engagé auprès des populations. Il suit les problèmes du village avec un intérêt enthousiaste et sage. Il nous raconte son expérience du problème de l’eau dans sa sous-préfecture…

« Il y a des années que nos populations souffrent de problèmes liés à l’accès à de l’eau de potable. Nous avions tout fait, même des sacrifices, parce qu’ici tous les forages et autres puits traditionnels qui ont été creusés, n’ont jamais donné de l’eau douce, de l’eau potable». Le problème, c’est que Tougnifily se situe non loin de la mer, sur le littoral, l’eau trouvée a toujours été saumâtre. Les populations ne pouvaient donc pas consommer cette eau saléeEt l’imam de poursuivre « Et l’année dernière, divine surprise ! Allah a exaucé nos vœux, avec le démarrage des activités de ce projet. Voilà pourquoi, à la mosquée, nous avons invité tous les fidèles à respecter les consignes d’hygiène données par les animateurs pour leur santé. Nous aussi, nous leur avions conseillé de payer les 100 francs pour que plus tard, en cas de panne, nous pussions résoudre rapidement les problèmes de pièces. Nous avions même dit aux techniciens que si les montants ne suffisaient pas pour payer les pièces, de ne point hésiter, nous ferons des quêtes au niveau de la mosquée pour subvenir au reste. Et nous l’avons fait… »

Deux exemplaires édifiants de l’engagement des communautés rurales de Boffa dans la poursuite résolue de la pérennisation des acquis dans le domaine de l’amélioration de l’accès à l’eau des populations.

Le projet intégré d’amélioration de l’accès à l’eau, à l’hygiène et à l’assainissement est une initiative démarrée en septembre 2015 et appuyée par l’UNICEF, la Charente-Maritime Coopération et la DGIS des Pays-Bas.

Texte et photos : Justin MOREL Junior