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EDUCATION: plaidoyer pour l’école nouvelle guinéenne

Au regard du niveau actuel de l’apprenant guinéen, il y a lieu de se poser la question de savoir de quoi demain sera fait ? Qui pour diriger les destinés de la Guinée de demain ? Car comme le disait Jules Simon en 1920, je cite :« les peuples qui ont les meilleures écoles sont les meilleurs des peuples. S’ils ne le sont pas aujourd’hui, ils le seront demain ».

Comment se porte le système éducatif guinéen ?

L’état des lieux démontre que ce système est dans une totale déliquescence et cela, toutes les personnes interrogées le savent même si peu de gens s’en inquiètent. Cette déliquescence s’explique par l’existence de plus en plus marquée de diplômés dont les écritures sont illisibles.

Certains parmi eux ne s’expriment en français qu’après avoir lorgné à droite et à gauche pour se rassurer qu’en dehors de leurs ami et interlocuteurs,  personne ne les entend. La défaillance du système s’explique aussi par le fort taux de chômage des jeunes que connaît aujourd’hui la Guinée.

Plusieurs d’entre ces diplômés ne sont malheureusement pas capables de rédiger une simple demande de stage ou d’emploi. Il faut la faire rédiger par un tiers au besoin. Certains de ces diplômés ne peuvent pas trouver un emploi tout simplement, parce que leurs formations ne sont pas adaptées aux besoins du marché de l’emploi.

Quelles sont les causes de cette déliquescence de l’éducation guinéenne ?

D’abord les infrastructures sont insuffisantes et vétustes: des murs lézardés, des salles de classe complètement dégradées, des toits endommagés, des murs noircis parce que n’ayant pas bénéficié d’une seule couche de peinture depuis leur réalisation. Ces infrastructures les unes sont là depuis l’époque coloniale, d’autres depuis la première république. Ceci constitue une des nombreuses lacunes dont souffre le système éducatif.

Certes, reconnaissons que l’UNICEF et la coopération japonaise en particulier, ont fourni de gros efforts dans la construction et l’équipement de plusieurs dizaines d’écoles et la formation d’enseignants pour une qualification du système éducatif. Mais, cela ne pourrait suffire, l’Etat guinéen devrait accroitre le budget de l’éducation et diversifier le partenariat dans une synergie positive pour changer fondamentalement la situation.  

Les classes sont pléthoriques. C’est facile de se retrouver avec une salle d’une capacité d’accueil de 40 élèves qui en compte 100 ou 120 élèves. Certains apprenants sont obligés de rester à la fenêtre pour suivre les cours dispensés. Avec des effectifs sont pléthoriques, il va sans dire que le contrôle et le suivi des élèves vont poser problème.

Dans une telle situation, l’enseignant ne parvient pas à assurer un contrôle et un suivi réguliers du travail de l’élève. Un professeur qui a par exemple quatre salles de classe, qui a, à peu près dix huit heures de cours, comment peut-il dans ces conditions, organiser des interrogations écrites, qu’il faut tout corriger, déceler des erreurs, apporter les remarques nécessaires et amener l’élève à mieux faire?

En dehors de ces effectifs, il y a un faible engagement et des difficultés de l’apprenant. Des difficultés liées parfois à des contradictions internes dans la famille et d’autre fois à l’extrême pauvreté. Il y a ensuite la sous-qualification et le manque de motivation des enseignants.

Parlant de la sous qualification, il faut remarquer que de nos jours, c’est parmi ceux qui ont échoué au brevet ou au baccalauréat, des incarnations de l’échec scolaire, qu’on recrute les élèves des écoles normales d’instituteurs et, par n’importe quel procédé.

Le cas des surveillants renvoyés lors brevet session 2017 à Mamou,  pour leur incapacité de lire les sujets, en est une illustration. Or, la logique voudrait que les formateurs soient issus des rangs de ceux qui ont bien réussi à leurs différents examens et évaluations.

À cela il faut ajouter l’absence d’une remise à niveau des enseignants. Quant au manque de motivation de l’enseignant, cela se comprend car, depuis la première république jusqu’à nos jours, l’enseignant est le symbole de la misère, tant bien que, quand il veut se marier, les parents se posent la question de savoir s’il travaille, ou s’il enseigne! Comme si l’enseignant n’est pas un travailleur… Les parents préfèrent donner leurs filles en mariage à un banquier, un chef service financier, un commerçant mais,  rarement à un enseignant; tout simplement parce que celui symbolise la pauvreté.

À cela s’ajoute le fait que les parents d’élèves, bref la communauté s’intéresse peu à lui. Il faut aller saluer le gouverneur, le préfet, le procureur, l’imam, le curé de la paroisse mais rarement l’enseignant. Il ne jouit d’aucune considération sociale. Ce qui amène certains enseignants d’ailleurs à faire n’importe quoi, pour avoir de l’argent et jouir de la même considération que les autres de la part de la société.

Au nombre des causes de cette déliquescence, il faut également citer le manque de matériel didactique. Les élèves apprennent la chimie au lycée, mais quels sont les lycées qui ont un laboratoire ? Donc, on apprend à faire des exercices de chimie ou de physique sans aucun laboratoire.Vous donnez des éprouvettes à un enseignant pour faire l’électrolyse de l’eau, il ne peut pas parce qu’il ne l’avait jamais fait auparavant!

Aussi, si vous prenez les programmes d’enseignement, ils ne sont pas toujours adaptés aux réalités actuelles. La Guinée à tendance à devenir un dépotoir d’ordures de livres. Tous les livres qui sont dépassés, qui sont caduques ailleurs, on les ramasse et on en fait don à la Guinée. Dans les quelques rares bibliothèques qui existent, les livres sont rarement adaptés aux programmes d’enseignement au collège ou au lycée.

Quelles perspectives donc pour sauver le système éducatif guinéen ?

Il faut tout d’abord développer et équiper les infrastructures scolaires, introduire des manuels et de la documentation adéquats, adaptés aux programmes de formation. Il faut d’abord promouvoir l’enseignement de base (le préscolaire, le primaire et le secondaire premier cycle). Il faut aussi sortir du cadre de l’enseignement de masse, qui est une bonne chose pour les enfants dont l’âge varie entre 3 et 16 ans.  Mais au delà notamment à partir du lycée, il faut spécialiser les jeunes. Il faut orienter les apprenants en fonction des besoins actuels et futurs d’emploi, au lieu de former des chômeurs tout simplement, parce que ce qu’ils ont appris est incompatible avec les réalités du marché. Il faut ensuite qualifier le métier d’enseignant.

Il faut que les enseignants soient de qualité pour que les prestations fournies puissent être à la hauteur des attentes. Pour que cela soit, il faut que les ministères en charge de l’éducation instaurent des critères objectifs dans le recrutement du personnel enseignant et de recherche.

Ne pas recruter dans les ENI, des symboles de l’échec scolaire et espérer avoir des enfants bien formés. Eviter les interférences des puissants du jour dans le système éducatif, mais aussi éviter les politiques hâtives en matière d’éducation que le pays a connu.

A l’accession de la Guinée à l’indépendance, il a été ordonné à des enseignants formés par l’ancien colon de former les fils du pays en langues locales. Ils ne le pouvaient pas et ne le voulaient pas. Quelques années après, toujours dans la première république, il a été ordonné à des cadres formés dans nos langues locales de former les enfants en français, eux le voulaient bien mais ne le pouvaient point.

Autres pistes de solutions

il faut promouvoir l’enseignement technique et professionnel car notre pays compte trop de cadres supérieurs, trop d’ingénieurs. Or, pour qu’un pays se développe, il faut qu’à côté des concepteurs, qu’il y ait des opérationnels. Les cadres supérieurs étant très difficiles à entretenir, il faut former des aide-ingénieurs, des subalternes. Il est également nécessaire d’intégrer dans les programmes d’enseignement les techniques de l’information et de la communication, afin d’orienter les apprenants vers un usage productif et utile de ces outils. Car le constat révèle de nos jours que les jeunes utilisent plus les TIC pour se divertir que pour se former. Paradoxalement , très peu d’enseignants maitrisent les nouvellement technologies. Dans ce cas, pas facile d’initier les enfants au numérique.

Côté parents d’élèves, Association des Parents d’Elèves et Amis de l’Ecole, communautés et élèves, le temps est venu de prendre conscience si l’on veut que la donne change. L’école ne doit pas être perçue comme une espèce d’astreinte ennuyeuse, de même il faudrait éviter de la faire subir aux apprenants.

Vivement le sursaut de tous pour un système éducatif guinéen différent!

BALDE Ibrahim Fodoué pour JMI

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