FEU KEMO KOUYATE,

MA PART DE TÉMOIGNAGE

Mesdames Messieurs

Nous voici réunis en cette journée du vendredi 21 Juillet 2017, partagés entre douleur et amertume pour parler d’un frère, d’un ami, d’un collaborateur, d’un des dignes fils de la nation guinéenne qui vient d’être arraché à notre affection, le mercredi 19 Juillet 2017, j’ai nommé, le désormais très cher regretté Kèmo KOUYATÉ, auteur, compositeur, arrangeur, musicien polyvalent aux talents immenses, pour la mémoire duquel, je vais respectueusement et humblement vous demander, ou vous inviter à observer une minute de silence…

Mesdames, Messieurs, nous allons accompagner le défunt et contribuer à perpétuer le souvenir, sachant que « le souvenir c’est ce qui reste après le geste ».

L’ultime hommage de la nation reconnaissante, la Guinée que Kèmo KOUYATE a aimée, a chantée, a bercée des plus belles mélodies de sa guitare, de sa kora, de son balafon, de son n’koni, de sa harpe, de sa cithare, son violon, de son orgue électronique, de sa boite à rythmes, de son clavier à programmation d’une infinité de sons de rythmes et de mélodies…

C’est donc à l’un de ses fils les plus méritants, né en 1947 à Siguiri, de feu Sidiki Kouyaté et de feue Kankou Kouyaté qui l’initieront aux métiers de l’art de la parole et de la dure école de la pratique musicale traditionnelle. De Bamako où il fait ses premières armes, au sein de l’ensemble instrumental, le voilà à Conakry en 1963, en compagnie de son homonyme Djély Kèmo CONDE qui, lui intègre l’ensemble instrumental et choral de la Voix de la Révolution. C’est au cours de cette date qu’il enregistre à la radiodiffusion nationale, ses premières mélodies instrumentales à la guitare, m’a-t-il dit, par les soins de Mame Coumba DIAGNE (Paix à son âme).

Kèmo KOUYATE, guitare en bandoulière va dès lors arpenter toutes les rues de Conakry, pour faire plaisir aux amis, aux familles en interprétant majestueusement durant de longues heures et en solo, et dans le style dont lui seul avait le secret, les mille et une mélodies du riche répertoire mandingue et aussi des classiques de la musique moderne.

Au milieu des années 1960, Kèmo KOUYATE répond à la sollicitation de l’orchestre Jardin de Guinée (Balla et ses Baladins) qu’il intègre après des essais concluants. Il se révèlera au sein de cet orchestre national comme le meilleur guitariste d’accompagnement et par moments guitariste soliste. Ses notes de solo dans la première partie de chanson mythique Sara 70 en disent long sur le génie de l’artiste qu’il fut. Il n’est pas exagéré de dire que ses notes de kora adaptées à la guitare grande première dans l’histoire de musique guinéenne a fait école. Et le style Kèmo KOUYATE s’est imposé puisqu’il fut imité par la plupart des musiciens africains.

A la participation de la Guinée au premier Festival Panafricain des Arts et de la Culture tenu à Alger en 1969, les meilleurs musiciens dont Kèmo KOUYATE sont sollicités au sein du Syli Orchestre, dont l’ossature est le Bembeya Jazz. La médaille d’argent décrochée par notre orchestre national, témoigne du mérite de chacun des musiciens qui y ont participé, avec amour et honneur.

Musicien de devoir, Kémo KOUYATE guitare médium, Famoro KOUYATE guitare basse, Sékou Docteur DIABATE guitare solo, Abdou CAMARA batterie, Amadou THIAM congas et Nestor BANGOURA animateur interprète, tous membres de l’orchestre Balla, vont sur instruction du président Ahmed Sékou TOURE se mettre à la disposition de Miriam Makeba et créer le « Quintette Makéba ». Avec Mama Africa, l’aventure va continuer à travers des concerts héroïques sur les podiums les plus prestigieux du monde, et repartiront de plus belle, avec Papa KOUYATE aux congas, Sékou Kora KOUYATE à la guitare solo.

Acteur, je puis révéler avec exactitude ce qui suit. Au mois de décembre 1973, Kèmo KOUYATE compose en notre compagnie, séance tenante, « Super Konyo Koura ». Il y introduit la kora. La première répétition se déroule un soir chez Tabassy BARO à la SIG, et le lendemain dans le salon de l’orfèvre Kankou Kèmo à Mafanco, près de chez le regretté Réné PORRI. Le surlendemain, nous sommes au studio de la Voix de la Révolution, pour les enregistrements assurées par feu M’Baye DIAGNE ‘’Black’’, le tout supervisé par le sémillant journaliste Justin MOREL Junior.

Sous la direction de Papa KOUYATE à la batterie, feu Mamadi Cala CAMARA au chant, votre serviteur JBW (Jean Baptiste Williams) à la guitare solo, Djiba KANTARA à la guitare médium, feu François KOIVOGUI à la basse, Papa KEITA aux congas, le titre « Super Konyo Koura » est enregistré, et il fait un tabac grâce à l’embellie de la kora du cher regretté Kèmo KOUYATE, qui fait décoller de facto, l’orchestre Sextet Camayenne !

Artiste disponible, Kèmo, l’a été et l’histoire retiendra qu’il fut l’un des premiers musiciens à concocter des maquettes pour les jeunes artistes au début des années 1990. Je le revois au studio JBZ d’Abidjan avec Mamadi CISSOKO Doudou Dada, où tout seul, il assura la programmation, la kora, la cithare, la guitare avec un grand art, pour ne citer que cet exemple parmi tant d’autres.

Dans le cadre de la consolidation de la paix, de la culture du vivre ensemble dans la cohésion, Kèmo KOUYATE s’est donné à fond. On se rappelle de son hymne à la paix « Géré moufan » chanté par son épouse Amy KAMISSOKO, dans les différentes langues nationales, en anglais en arabe et en espagnol.

Au lendemain des douloureux évènements du 28 septembre 2009, je puis témoigner ici, que c’est encore Kèmo KOUYATE qui m’a enjoint à regrouper certains musiciens pour chanter et inviter à l’apaisement. Ce qui fut fait avec la forte implication du  »Djély Tomba ».

Kèmo Homme-orchestre, c’est tout dire, le Ministère des Arts et de la Culture dirigé alors par Fodéba Isto Keira, t’a décerné la Médaille du Mérite Culturel le 7 Mai 2010, et à juste titre. Je ne saurais énumérer ici les nombreuses distinctions et trophées à ton palmarès élogieux. Je sais que tu es récipiendaire d’un DJEMBE D’OR!

Kèmo KOUYATÉ, s’est donné, il a tout donné à sa patrie.

Je rends hommage à sa première épouse feue Fanta KEITA, je pense à sa deuxième épouse Mama DIABATE « La biche du Manding » et la troisième Aminata KAMISSOKO « La princesse ». Ses sept enfants et la marmaille des petits enfants.

Merci à Son Excellence Monsieur le Président de la République, Professeur Alpha CONDE ‘’Protecteur des Arts et des Lettres’’, à son épouse Hadja Djènè CONDE, à Hadja Saran Daraba CAMARA, Antonio SOUARE, au Général Ibrahima BALDE, Chef d’état-major de la Gendarmerie Nationale, Directeur de la Justice Militaire, au Ministère de la Culture, des Sports et du Patrimoine Historique pour l’accompagnement constant et surtout la prise en charge de tous les frais liés aux différentes hospitalisations durant les deux longues années de maladie de l’artiste émérite, le désormais très cher regretté Kèmo KOUYATE.

Mort tu continueras à veiller avec nous comme le dit Pablo Picasso: « Les morts continuent à veiller avec nous  .

Repose en Paix, digne héritier de Balla Fassèkè KOUYATE !

Jean Baptiste WILLIAMS
Directeur National de la Culture
Conakry le 21 Juillet 2017.