L’Union Africaine a ce 25 mai 2017 cinquante-quatre ans. Loin des flonflons de la fête et de l’évocation du bilan de cette institution panafricaine, dans le silence assourdissant de nos chefs d’Etat, des millions d’africains subissent le martyre dans des conflits interminables, et insoutenables pour la conscience universelle. Il en est ainsi de la Somalie et du Darfour…
La Somalie, victime des incohérences de la communauté internationale
Située à l’extrémité orientale de la Corne de l’Afrique, la Somalie a depuis un peu plus de deux décennies sombres dans une violence, cause d’une instabilité chronique. Ce pays était pourtant prédestiné à être stable en raison notamment de sa grande homogénéité linguistique et religieuse donnant le sentiment de nation accomplie. La descente aux enfers a commencé en 1991, lorsque le président Mohamed Siyad Barre a été destitué et que ses deux vainqueurs, Mohamed Farah Aïdid et Ali Mahdi Mohamed, se sont violemment opposés pour prendre le pouvoir, tuant des milliers de civils.
Faut-il le rappeler, en 1969, le général Mohamed Siyad Barre s’empara du pouvoir par un coup d’État et remplaça le gouvernement élu démocratiquement par le nouveau régime de la République démocratique somalie. En raison des liens étroits que la Somalie entretenait alors avec l’URSS, Barre déclara que le pays allait désormais être un État socialiste. Cette alliance entre les deux pays fut éphémère puisqu’en 1977, la Somalie tenta de prendre le contrôle de l’Ogaden, un territoire éthiopien, au cours du conflit dit de la guerre de l’Ogaden. Au lieu de soutenir la Somalie dans ses démarches expansionnistes, l’Union soviétique soutint plutôt le gouvernement marxiste de l’Éthiopie, ce qui mit fin aux bonnes relations entre les deux alliés. Les États-Unis se rapprochèrent ensuite de la Somalie. La guerre de l’Ogaden (1977-1978) a contribué à affaiblir le pouvoir de Barre et a favorisé l’installation d’une famine endémique dont le paroxysme est atteint en 1984.
Le pays a été tourmenté dans les années 1990 par les factions politiques. Le népotisme officiel ainsi que la corruption ont ébranlé la confiance envers le gouvernement central. Un climat de mécontentement régnait alors envers le régime du président dictateur Siyad Barre, ce qui mena à son effondrement en 1991. Le pays fut dès lors plongé dans un état proche du chaos. En effet, à la suite de cet incident, la Somalie est devenue un État défaillant. Le pays est tombé sous la gouverne de seigneurs de guerre sans idéologie ni agendas politiques. Leurs seules motivations étaient l’appât du gain illicite et le pillage. Le trafic de drogues et d’armes faisait partie de leurs activités. Ainsi, ces seigneurs de guerre s’opposaient à la création de tout gouvernement central en raison de la menace que posait un tel gouvernement sur leurs activités illicites.
Le vide laissé par le dépérissement de l’Etat a été comblé par les seigneurs de guerre tribaux puis par des mouvements islamistes. Les pays occidentaux et asiatiques en ont aussi profité, envoyant les navires de pêches vider en toute illégalité les eaux somaliennes, rajoutant à la fragilité des populations déjà éprouvées et déclenchant le phénomène de piraterie « industrielle ».
La communauté internationale, Union africaine en tête, tente de construire un nouvel Etat, mais le gouvernement central soutenu par l’Ethiopie voisine, l’allié américain et des troupes africaines résiste tant bien que mal, puisqu’il ne contrôle qu’une partie de la capitale, Mogadiscio. Le jeu trouble des Occidentaux a conduit à la désintégration progressive du pays, avec la république autoproclamée du Somaliland au Nord et la « région autonome du Puntland » au Sud que la propagande occidentale s’acharne à présenter -, comme mieux gouvernés que le reste du pays.
Nul n’est en mesure de prévoir quand et comment le pays pourra se redresser. La communauté internationale est davantage préoccupée par l’un des épiphénomènes produits par la déliquescence de la Somalie : la piraterie, qui s’attaque aux intérêts occidentaux naviguant dans le golfe d’Aden. La résolution politique du chaos ne semble pas l’intéresser. Alors que les Somaliens s’entretuent par l’entremise de factions armées, la situation de ce pays n’est plus dans les priorités de la communauté internationale. Bien plus qu’une solution militaire, il y a lieu de s’investir pour une solution politique, qui tienne compte de la position et des intérêts de toutes les parties prenantes à ce regrettable conflit.
La guerre oubliée du Darfour
Dans l’indifférence générale du continent, un conflit meurtrier fait des ravages au Soudan. Une guerre, qui ne semble plus être dans les préoccupations de l’Union Africaine. En effet, la guerre du Darfour est un conflit armé touchant depuis 2003 la région du Darfour, située dans l’ouest du Soudan. Les origines du conflit sont discutées. Elles sont parfois supposées anciennes et dues aux tensions ethniques qui débouchent au premier conflit du Darfour de 1987. Bien que le gouvernement soudanais affirme que le nombre de morts se situe aux environs de 10 000, trois pays, les États-Unis, Israël et le Canada, soupçonnent que ce conflit couvre un génocide ayant fait environ 300 000 morts et 2,7 millions de déplacés dont 230 000 réfugiés au Tchad.
Le premier conflit du Darfour (1987-1989) a eu lieu en raison des tensions ethniques, entre les Fours et les Arabes. Dans cette guerre, le gouvernement central n’intervient presque pas.
Le deuxième conflit eut lieu entre 1996 et 1998. Cette fois, ce sont les Masalits qui se soulèvent contre les empiétements des Arabes.
Les raisons de ce conflit sont multiples et liées entre elles :
- Une origine climatique et environnementale : un phénomène de sécheresse dans tout le Sahel, qui s’amplifie et de désertification qui a commencé depuis les années 1970
- Une explosion démographique, la population a doublé en 20 ans.
- Une compétition pour l’espace géographique.
- Des ethnies différentes, aux répartitions imbriquées. La guerre de 2003 opposait au départ les Zaghawas aux Arabes pro-gouvernementaux pour ensuite s’étendre aux autres ethnies.
- Les guerres du Tchad (1960-1990) et qui impliquaient les Zaghawas] (ethnie étendue du Tchad au Soudan) ont une conséquence directe sur le conflit.
- La découverte de ressources pétrolières qui suscitent les convoitises de grandes puissances, en particulier de la Chine.
- Un pays vaste et mal unifié, le Soudan. Le pouvoir central néglige les peuples de la périphérie qui se révoltent. Il contrôle les conflits locaux afin de satisfaire certains de leurs intérêts.
Le Darfour est une région du Sahel qui se trouve à l’ouest du Soudan : 5 à 6,1 millions de personnes y vivent ; la région a un très faible niveau de développement : seulement un tiers des filles (pour 44,5 % des garçons) vont à l’école primaire.
La découverte du pétrole dans cette région a suscité les convoitises. Si le conflit a largement été décrit en termes ethniques et politiques, il s’agit aussi d’une lutte pour les ressources pétrolières situées au sud et à l’ouest.
Quatre peuples principaux sont installés au Darfour : les Fours, qui ont donné leur nom au Darfour, qui signifie en arabe la maison de Four, les Masalits, les Zaghawas et les Arabes. Jusqu’à présent, le passage de chameliers arabes dans le Sud était demeuré sans incidents.
Pendant l’hiver 2002-2003, l’opposition au président soudanais Omar el-Béchir fait entendre sa voix. Au Darfour, des attaques antigouvernementales ont lieu en janvier et sont revendiquées par la SLA. En représailles, Khartoum laisse agir les milices arabes (les Janjawids dirigés par Choukratalla, ancien officier de l’armée soudanaise) dans tout le Darfour. Les armées soudanaises bombardent les villages du Darfour. Les populations sont victimes de bandes armées. Et depuis, c’est la désolation dans cette région. Avec son corollaire de massacres, d’errance de population en quête d’espaces hospitaliers et moins hostiles. Pour les chefs d’Etat du continent, et la communauté internationale les priorités semblent être ailleurs.
Thierno Saïdou DIAKITE pour JMI
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