Nous avons comparé l’impact du programme d’Emmanuel Macron et de celui de Marine Le Pen pour des cas concrets. (LP/ARNAUD JOURNOIS.)
Marc Lomazzi
Impôt, pouvoir d’achat, retraite… Nous avons comparé l’impact des projets des deux candidats à l’Elysée sur le portefeuille des Français. Instructif !
Le 7 mai, les électeurs devront choisir entre deux candidats à la présidentielle et deux visions antagonistes. Quel fossé entre la protectionniste Marine Le Pen, chantre du retour au franc, et le proeuropéen Emmanuel Macron, apôtre du libre-échange ! Mais quel serait l’impact concret de leur élection sur le portefeuille des Français ? C’est ce que nous avons voulu savoir en passant leur programme au crible.
Pour notre journal, la Fondation Concorde, un laboratoire d’idées (think tank) proche du monde des entreprises, a sorti ses calculettes. Du seul point de vue de leurs revenus, trois des cinq profils types de Français que nous avons sélectionnés — la mère payée au smic élevant seule son enfant, la famille de la classe moyenne et la profession libérale très aisée — auraient tout intérêt à voter Macron. Seul notre retraité modeste trouverait son compte à voir Le Pen s’installer à l’Elysée. En revanche, aucun des deux n’améliore le sort du chômeur de longue durée.
Un résultat surprenant. Marine Le Pen aurait dû surclasser son rival tant son programme ouvre grand les vannes : retraite à 60 ans, prime de pouvoir d’achat, hausse des allocations familiales, baisse des prix du gaz et de l’électricité… Il semble pourtant que la suppression des cotisations sociales sur la fiche de paie ou l’exonération de la taxe d’habitation défendues par le candidat d’En Marche ! aient plus de retombées sonnantes et trébuchantes.
A condition, bien sûr, que l’un et l’autre ne reprennent pas d’une main ce qu’ils donnent de l’autre à coups de hausse de la CSG ou de la TVA. A condition aussi qu’ils tiennent tout simplement leurs promesses. Rien de moins évident. « Il manque 50 Mds€ au programme d’Emmanuel Macron et 159 Mds€ à celui de Marine Le Pen », pointe Jennifer Pizzicara, déléguée générale de la Fondation Concorde. A moins de renoncer aux réformes les plus coûteuses, comme le retour à la retraite à 60 ans, les contribuables risquent d’en faire les frais. « Toutes les mesures Le Pen augmenteront les impôts de 12,8 Mds€ quand les mesures Macron visent à les faire baisser de 2,5 Mds€ », confirme Agnès Verdier-Molinié, qui dirige l’iFRAP, un think tank libéral.
Mais la vraie différence viendra sans doute de l’impact économique global de la mise en oeuvre du programme présidentiel. En cas de victoire d’Emmanuel Macron, les experts s’accordent à dire que l’on restera dans les clous de la trajectoire des comptes publics impulsée sous le quinquennat de Hollande. En revanche, la sortie de l’euro, mesure phare de Marine Le Pen, est jugée dangereuse par la plupart des économistes. Un Frexit plongerait la France en récession et coûterait 500 000 emplois, a chiffré l’Institut Montaigne.
La note serait très salée pour les ménages. Classée à gauche, la Fondation Terra Nova estime que le retour au franc se traduirait par une chute du pouvoir d’achat de 1 500 € à 1 800 € par an et par ménage et toucherait particulièrement les foyers modestes, la cible électorale de Marine Le Pen. Un couple aux revenus médians (1 700 € net mensuels chacun) perdrait, d’après la Fondation Concorde, 3 342 € par an. L’équivalent d’un mois de salaire ! Sans parler des effets de la dévaluation du franc et des taxes sur les produits importés. Des perspectives catastrophiques balayées par la candidate FN qui dénonce « la stratégie de la peur » de ses adversaires et se moque régulièrement de la « pluie de sauterelles » promise au pays. Sans convaincre, puisque la grande majorité des Français reste hostile à la sortie de l’euro.
Voici les conséquences des programmes de Macron et Le Pen sur 5 cas concrets
Avec Macron
Statu quo Il ne bénéficie d’aucune des mesures clés d’Emmanuel Macron. Il fait partie des catégories déjà exonérées de la taxe d’habitation et donc son exonération ne change rien pour lui. Le candidat d’En Marche ! ne touche pas aux allocations. Là encore, son élection ne changerait rien aux conditions de revenus d’Alain. Et il ne profitera pas non plus de la suppression du reste-à-charge pour les soins dentaires, optiques et auditifs puisque, dans son cas, ils sont déjà pris en charge à 100 % par la Couverture médicale universelle (CMU).
ET AUSSI La hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) de 1,7 point ne le concerne pas puisqu’il en est dispensé.
Avec Le Pen
Statu quo aussi. Point clé du programme du FN, la baisse de 10 % de l’impôt sur le revenu, Alain n’en verra pas la couleur puisqu’il n’est pas imposable. Et il n’est pas éligible non plus à la prime pour le pouvoir d’achat proposée par la présidente du FN pour les salariés et les retraités gagnant moins de 1 500 € par mois.
ET AUSSI Comme son rival d’En Marche !, elle ne revalorise pas les allocations chômage. La candidate autoproclamée du peuple ne propose aucune mesure de nature à améliorer les revenus d’Alain.
Avec Macron
Des petits plus Pas grand-chose pour les retraités touchant, comme Robert, une pension moyenne de 1 100 € par mois. Avec la hausse de la CSG (contribution sociale généralisée) de 1,7 point, ce retraité modeste va même perdre 202 € par an. Heureusement, il sera bénéficiaire de l’exonération de la taxe d’habitation à hauteur de 266 €. Le candidat d’En marche ! ne promet de revaloriser que le minimum vieillesse, Robert n’y a donc pas droit.
ET AUSSI Il gagnera au minimum 66 € par an grâce à la suppression du reste-à-charge promise par Macron sur les soins auditifs, dentaires et optiques.
Avec Le Pen
L’effet prime. La baisse de 10 % de l’impôt sur le revenu ne changera pas le sort de Robert. Cette mesure, l’une des promesses phares du programme du FN, ne se traduira, pour ce retraité modeste, que par 30 € en moins par an. Plus significatif, la prime de pouvoir d’achat (80 € en moyenne par mois) sur les petites retraites lui rapportera 960 €.
ET AUSSI Robert n’étant pas veuf, ni handicapé, il n’a droit à rien d’autre. Le rétablissement de la demi-part fiscale pour les veufs et les veuves (supprimée en 2008) promis par la candidate frontiste et la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés ne le concernent pas.
Avec Macron
Solde positif Avec la hausse de la CSG (contribution sociale généralisée), Valérie va perdre 300 € par an. Mais la suppression des cotisations salariales maladie et chômage et le doublement de sa prime d’activité lui rapporteront annuellement 1 200 €. Elle ne paie plus la taxe d’habitation, qui dans son cas était plafonnée à 240 €. Voilà déjà un gain de pouvoir d’achat de 1 140 € par an.
ET AUSSI Si en plus elle se met à faire quatre heures sup par mois (qui seront exonérées de charges), elle gagne 769 € supplémentaires. Enfin, la suppression du reste-à-charge pour les soins dentaires, auditifs et optiques pour elle et son enfant lui rapporte 132 € par an.
Avec Le Pen
Coup de pouce au pouvoir d’achat. Ne payant pas d’impôt sur le revenu, Valérie n’est pas concernée par la baisse de 10 % des trois premières tranches. Cette smicarde touche la prime de pouvoir d’achat (PPA) promise par la candidate frontiste et destinée aux salariés modestes qui gagnent moins de 1 500 € : + 960 € par an.
ET AUSSI Comme cela a été le cas lors du quinquennat Sarkozy, elle recommence à faire quatre heures supplémentaires par mois celles-ci étant défiscalisées, elle gagne alors 925 € supplémentaires sur l’année.
Avec Macron
Charges allégées Même si la hausse de la CSG amputera de 1 060 € par an leur budget, les Dupond profiteront de la suppression des charges sociales (+ 1 964 €) sur leur fiche de paie, d’un allégement de leur taxe d’habitation (1 077 €) et de la fin de leur reste-à-charge en matière de santé (264 € par an).
ET AUSSI Alors que l’absence de charges sociales sur les heures sup devrait permettre aux Dupond de travailler en moyenne huit heures supplémentaires par semaine, cette famille devrait voir ses revenus progresser de 1 477 € par an. Ils peuvent donc espérer 3 723 € de pouvoir d’achat supplémentaire en cas d’élection d’Emmanuel Macron.
Avec Le Pen
Impôts en baisse. La famille Dupond devrait pouvoir profiter de plusieurs baisses d’impôt pour améliorer son pouvoir d’achat. Elle devrait en effet être concernée par l’allégement de 10 % de l’impôt sur le revenu proposé par Marine Le Pen. Soit un allégement de 126 € par an de sa facture fiscale. Mais ce couple de salariés gagnant plus de 1 500 € par mois, il n’aura donc pas droit à la future « prime de pouvoir d’achat ».
ET AUSSI La défiscalisation des heures sup et la suppression des cotisations sociales pourraient, s’ils font chacun quatre heures sup par semaine, leur rapporter 2 159 € par an. Au total, donc, la famille Dupond pourrait voir son pouvoir d’achat progresser de 2 285 € par an.
Avec Macron
Plus de CSG, moins d’ISF. La hausse de la CSG lui coûte 1 499 €/an. Mais l’aménagement de l’ISF (impôt sur la fortune) lui permet d’économiser 6 400 € (elle payait 11 400 € avant, elle n’en paiera plus que 5 000 €). Sophie ne fait évidemment pas partie des 80 % des ménages qui bénéficient de l’exonération de la taxe d’habitation. Question impôts, elle économise donc 4 901 €/an.
ET AUSSI A cela s’ajoute la baisse des cotisations pour les indépendants, soit 833 €/an pour un revenu de 5 000 €. Enfin, avec la fusion du RSI et du régime général, elle aura les mêmes droits sociaux que les salariés, sans hausse de ses cotisations. La suppression du reste-à-charge pour les soins auditifs, dentaires et optiques lui permettra d’économiser 66 €/an.
Avec Le Pen
Un choix de régime social Sophie, avocate installée en tant qu’indépendante, est une chef d’entreprise à gros revenus et à gros patrimoine. Si Marine Le Pen était élue, elle ne verrait rien changer en termes d’impôts puisque l’ISF (impôt sur la fortune) ne sera pas supprimé. Elle ne bénéficie évidemment pas non plus de la baisse de 10 % pour les trois premières tranches de l’impôt sur le revenu.
ET AUSSI Cependant, elle pourra choisir de quitter le Régime social des indépendants, le RSI, dont Marine Le Pen veut une refonte complète. Mais, si elle s’affilie au régime général de la Sécurité sociale, le montant de ses cotisations lui fera perdre potentiellement 2 940 € de revenus par an.
Source : LeParisien