Le Ghana ne compte plus prolonger le programme d’aide financière du FMI qui arrivera à expiration en avril prochain. Selon son président qui présentait, mardi dernier, le bilan d’étape de ses six premiers mois à la tête du pays, le gouvernement compte sur sa stratégie de relance économique et d’industrialisation pour réduire la dépendance budgétaire du Ghana aux ressources extérieures.
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Nana Akufo-Addo a profité de l’occasion pour faire le point sur la situation socioéconomique et politique du pays, mettant en relief les actions menées par son gouvernement, ainsi que les défis prioritaires auxquels il s’attelle à apporter des réponses concrètes.

Ce n’est pas la plus grande annonce du bilan des six premiers mois à la tête du pays et ni des nouvelles promesses qu’il a faites, mais c’est certainement celle qui a surpris les marchés financiers. Le président ghanéen a en effet annoncé, ce mardi 18 juillet, que le programme d’aide du FMI dont bénéficie le pays ne sera pas reconduit à son expiration en avril 2018.

Alors que jusque-là le gouvernement a fait entendre qu’il espère prolonger le programme d’assistance financière d’au moins six mois, afin notamment de poursuivre la mise en œuvre de la stratégie de relance économique, Nana Akufo-Addo a annoncé qu’à la fin de l’échéance convenue, le pays mettra fin au plan de sauvetage approuvé en 2015 et pour trois années par le FMI, en contrepartie de la mise en œuvre de réformes structurelles destinées à permettre au pays de faire face à la dégradation de ses indicateurs macro-économiques.

«Le gouvernement Akufo-Addo n’a pas l’intention d’étendre le programme du FMI, et le budget de novembre prochain sera le dernier budget au titre de ce programme, car nous comptons développer notre propre stratégie et ne plus dépendre de ressources externes pour financer notre budget».

L’annonce du chef d’Etat ghanéen est intervenue à l’occasion de la présentation du bilan de ses six premiers mois à la tête du pays, un exercice auquel il s’est sacrifié en direct sur les médias publics et les réseaux sociaux et en présence d’une dizaine de journalistes de la presse nationale et internationale. Sur la situation économique du pays, Akufo-Addo a reconnu qu’à son arrivée au pouvoir, la situation était inquiétante avec des indicateurs au rouge, notamment en matière de déficit budgétaire et de dette publique.

La situation économique était d’ailleurs plus alarmante que l’a laissé entendre le régime précédent et pour ne rien arranger, la baisse des cours du cacao -dont le pays est avec la Côte-d’Ivoire l’un des principaux producteurs et exportateurs mondiaux- est venue amplifier une conjoncture déjà difficile. Cependant, a estimé le président, grâce aux mesures d’urgence prises par son gouvernement durant les premiers mois d’exercice, la situation s’améliore progressivement et le rééquilibrage budgétaire se poursuit selon les objectifs fixés.

Il reste cependant beaucoup d’efforts pour que la croissance maintienne son trend haussier, ce que le président ghanéen a promis en assurant qu’il y veillera personnellement à travers notamment l’accélération de la mise en œuvre des mesures qu’il a annoncées durant la campagne électorale et contenues dans le programme présenté et validé par le Parlement.

Stratégie de croissance et d’industrialisation

Il reste à attendre la réaction des marchés par rapport à cette annonce du président ghanéen de marquer une rupture avec le programme d’assistance du FMI. Selon plusieurs experts, c’est cette assistance qui a permis au pays d’enregistrer quelques progrès positifs, puisque le Ghana est dans l’obligation de veiller à la mise en œuvre des réformes, notamment fiscales et à réduire les dépenses publiques. Mais pour Nana Akufo-Addo, les mesures en cours de réalisation dans le cadre du programme présidentiel permettront au pays de ne plus dépendre de l’aide extérieure pour soutenir la croissance.

Ainsi et comme l’a confirmé le chef d’Etat ghanéen qui s’est exprimé durant plusieurs heures lors de la séance des questions-réponses au Parlement., le budget 2018 qui sera présenté devant les élus au plus tard en novembre prochain, sera le dernier dans le cadre du programme avec le FMI. Le Ghana entend d’ailleurs se passer progressivement de tout recours aux emprunts extérieurs pour financer le budget d’Etat, grâce à l’impact de la stratégie de relance économique qui vise notamment à renforcer l’industrie du pays et à faire pleinement contribuer le secteur privé à la croissance économique.

Le président ghanéen a d’ailleurs mis en avant quelques chiffres relatifs à la baisse de l’inflation et aux déficits du compte courant pour appuyer son argumentaire, même s’il a reconnu qu’il faudrait faire plus et attendre encore un peu avant de procéder à la baisse des taux d’emprunts et des intérêts bancaires. Nana Akufo-Adda a également promis de veiller à la poursuite des réformes structurelles nécessaires afin de libérer le potentiel de l’économie ghanéenne.

La création d’emploi, défi prioritaire du gouvernement

«Je n’ai pas besoin de répéter que le plus grand défi auquel nous sommes confrontés est la création de l’emploi», a déclaré le chef d’Etat ghanéen estimant que cela est évident au regard des proportions inquiétantes qu’affiche le pays en la matière. «Les jeunes s’inquiètent  de ne pas trouver un emploi et leurs parents encore plus de l’avenir de leurs enfants à la fin de leur cursus scolaire», a déclaré Nana Akufo-Addo en soulignant qu’il s’agit du plus grand défi de son administration et qu’il compte bien y arriver.

«Je suis conscient que le succès ou l’échec de mon gouvernement dépendra du défi de la création de l’emploi».

C’est pour cela d’ailleurs, a-t-il indiqué, que malgré le fait que son gouvernement a trouvé l’économie du pays en détresse, les mesures prises jusque-là ont toutes pris en compte ce défi prioritaire. La stratégie de relance de la croissance tout comme le programme présidentiel visent à stimuler la création d’emplois. C’est dans ce cadre que s’inscrivent notamment les incitations diverses et appuis financiers estimés à plusieurs  centaines de millions de dollars en faveur du secteur privé et surtout l’entreprenariat notamment des jeunes.

Des mesures ont également été prises et d’autres bientôt mises en œuvre pour renforcer la croissance à travers l’assainissement du secteur minier, la promotion de la bonne gouvernance, le développement de l’agriculture ainsi que l’augmentation conséquente des investissements en faveur du secteur éducatif et des infrastructures. Pour le président ghanéen, ces mesures devront se traduire par une croissance inclusive et créatrice d’emplois, en plus de viser la réduction de la pauvreté et des disparités sociales.

 Pas de chasse aux sorcières

Au cours de sa prestation publique, la première du genre, le président ghanéen a fait le tour d’horizon de plusieurs sujets d’actualité nationale, mais aussi régionale, telles la sécurité ou la lutte contre la corruption. Sur ce dernier point, Akufo-Addo a réitéré son engagement à traduire devant la justice tous les indélicats, même s’il a prévenu que cela ne devrait pas servir de prétexte à «une chasse aux sorcières contre des adversaires politiques». En ce sens, il a confirmé que plusieurs enquêtes judiciaires ont été lancées sur certains dossiers ayant cristallisé l’opinion, mais, a-t-il assuré, «dans beaucoup de cas, il ne s’agit que d’allégations non fondées comme l’ont démontré les conclusions des enquêtes menées». Pour celles qui ont mis en lumière des pratiques frauduleuses ou des détournements de biens publics, la justice sera saisie.

Dans le cadre de la promotion de la bonne gouvernance, le président d’Etat a souligné qu’il veillera à ce que les règles élémentaires en matière d’orthodoxie financière soient respectées. Et afin de marquer une rupture avec la précédente équipe, Nana Akufo-Addo a annoncé que plusieurs dépenses de prestige, décidées par l’administration de l’ancien président John Dramani Mahama, ont été purement et simplement annulées. L’ancien ministre et ex-opposant a en tout cas promis qu’il ne tempérera pas sa politique, même s’il doit prendre des «mesures impopulaires». Cela a été d’ailleurs le cas avec la fermeture des mines illégales, un événement qui a suscité récemment un grand débat sur la place publique. «Il était plus important de sauvegarder notre environnement», s’est-il défendu.

C’est donc un bilan satisfaisant qu’a présenté le président Nana Akufo-Addo pour ses premiers mois à la tète du Ghana. Et si les avis ont diversement apprécié certaines annonces, le président ghanéen a promis de continuer sur sa lancée afin de concrétiser ses promesses de campagne. Six c’est peut-être trop tôt pour juger, ont estimé certains en commentaires sur la Toile, mais Akufo-Addo a promis de rendre régulièrement compte de l’évolution de la situation politique et socioéconomique du pays, ce qui est en soi un gage de transparence, selon son entourage.

 Par Aboubacar Yacouba Barma  | Afrique La Tribune.fr