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MALADIE : de l’origine d’Ebola en Guinée…

EXTRAITS DU RAPPORT DE L’ETUDE SOCIO-ANTHROPOLOGIQUE

EN APPUI A LA RIPOSTE NATIONALE  A LA MALADIE A VIRUS EBOLA

Décembre 2014

Le Ministère de l’Action Sociale, de la Promotion Féminine et de l’Enfance remercie l’ONG Club Tradition et Développement, pour le soutien apporté à la réalisation de l’étude. Les remerciements particuliers vont à l’endroit de l’UNFPA (Fonds des Nations Unies pour la Population), pour l’assistance technique, matérielle et financière fournie pour la mise en œuvre de l’étude ; avec une marque spéciale à Madame la Représentante de l’UNFPA en Guinée, pour toute la confiance et l’attention manifestées à l’endroit de l’équipe des consultants tout au long du déroulement de cette étude.

Les résultats de cette étude réalisée par le Club Traditions et Développement (structure pluridisciplinaire de réflexion et de recherche) et le guide méthodologique qui en résulte permettront une meilleure prise en compte de l’approche culturelle dans la stratégie de riposte nationale contre les maladies épidémiques de type Ebola.

  1. Circonstances d’apparition et d’évolution de l’épidémie

Selon Dr Raphael Dembadouno, médecin chargé de l’Alerte à Médecins Sans Frontières à Guéckédou, l’épidémie de fièvre hémorragique à virus Ebola que la Guinée connaît aujourd’hui a eu pour point de départ le territoire sierra léonais.

En effet, en novembre 2013, un ancien militaire Léonais travaillant initialement en République Démocratique du Congo qui avait déjà été affecté par l’épidémie de Fièvre Ebola, est rentré dans son pays, précisément à Sokoma, un village frontalier avec la Guinée, à deux kilomètres de Nongoa (une sous-préfecture de Guéckédou).

A deux semaines de son arrivée à Sokoma, il tombe malade, dans un tableau clinique de fièvre, de diarrhée, de vomissements et de saignement.  Les  parents inquiétés accusent les sorciers. En  pays Kissi, toute maladie se manifestant par un saignement est attribuée à la sorcellerie. Il est fait appel à des guérisseurs traditionnels dans les villages voisins pour diagnostiquer le mal et le traiter. Malheureusement, il meurt après quelques jours.

Une semaine plus tard, bon nombre des personnes qui ont eu contact avec lui tombent malades. Certains d’entre eux trouvent la mort. Parmi ces contacts, une femme  nommée Fanta de Sokoma est atteinte. Elle se rend chez un parent, Saa Jonas Koundouno,  infirmier-major du service de médecine générale de l’hôpital de Guéckédou pour des soins.

Après quelques jours de traitement, la maladie persiste. L’infirmier l’oriente vers un guérisseur du nom de Lansana Kamano à Méliandou, un village de la sous-préfecture de Tiékoulo. Le guérisseur n’ayant pas de place pour l’héberger chez lui, sollicite assistance à sa voisine  Ouélé Koumba Ouamouno qui accepte de recevoir la patiente dans la chambre avec ses enfants. Après cinq jours de traitement traditionnel, l’état de Fanta s’aggrave. Elle est alors retournée chez l’infirmier-major Saa Jonas Koundouno à Guéckédou. Le 7 décembre 2013, Fanta de Sokoma rend l’âme.

Entre temps, quelques membres de la famille d’Ouélé Koumba Ouamouno, au village de Méliandou, tombent malades avec vomissements, diarrhée, forte fièvre et maux de ventre. Parmi eux, un garçon de deux ans, du nom d’Emile Soupouiyo Ouamouno, trouve la mort, le 22 décembre 2013 à Méliandou, Sous-préfecture de Tiékoulo.

Le 7 Janvier 2014, la sœur d’Emile, du nom de Philomène Ouamouno meurt des suites d’une maladie comportant les mêmes signes. En fin janvier, leur maman en état de grossesse de 6 mois  nommée Sia Dembadouno rend l’âme au poste de santé de Méliandou. Le lendemain, la grand-mère d’Emile, collaboratrice de l’infirmier Saa Jonas Koundouno est atteinte et meurt à son tour.

Une  semaine après les différents enterrements, l’infirmier Jonas tombe malade et se rend à Macenta chez son ami Dr Etienne Fassa Kourouma, Directeur de l’hôpital pour les soins. C’était au mois de février 2014.

Il  est reçu dans la chambre d’un des fils du Dr Etienne Fassa Kourouma à domicile. Arrivé à  l’hôpital, il y trouve la mort. Son corps est transféré à Guéckédou.

Quelques jours plus tard, le fils du Directeur de l’hôpital présente les mêmes signes que l’infirmier. Il est alors évacué sur l’hôpital de N’Zérékoré où il meurt. Peu de temps après, le Directeur de l’Hôpital de Macenta aussi tombe malade et meurt en route vers Conakry.

Le lit sur lequel le corps de l’infirmier était couché à l’hôpital de Macenta, fut occupé par un jeune accidenté venu d’une famille Keita de la commune urbaine de Macenta. A sa sortie de  l’hôpital de ses blessures, il  présente les mêmes signes et en  meurt.

La mère du jeune accidenté et un de ses frères contractent la même maladie et meurent à l’Hôpital de Macenta. Il y eut au total 7 morts dans cette famille Kéïta.

C’est à la suite de ces morts en série que les autorités sanitaires de Macenta ont alerté la Direction Régionale de la Santé de N’Zérékoré, laquelle informa à son tour le Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique. Instruction fut donnée pour des prélèvements à des fins d’analyse. Les résultats des analyses se sont avérés positifs. C’était au mois de Mars 2014.

Suite aux multiples déplacements des populations pour la présentation des condoléances d’usage et la participation aux cérémonies funèbres, la maladie se propagea à travers les différentes sous-préfectures de Guéckédou et de Macenta, pour s’étendre aux autres préfectures de la Guinée Forestière.

  1. Situation épidémiologique et vulnérabilité des femmes et filles.

L’importance que revêtent les facteurs qui déterminent la vulnérabilité des femmes et des filles face à l’épidémie  de la fièvre Ebola requiert une revue des données statistiques concernant les cas notifiés et les cas de décès enregistrés selon le sexe dans les préfectures de la zone d’étude.

Ces données se présentent comme suit :  

  1. Guéckédou

Tableau 2 : Répartition des cas notifiés  et des décès selon le sexe

Cas Sexe Total
Féminin Masculin
Positifs 146 92 238
Décédés 113 68 181
Total 259 160 419

L’analyse des données de ce tableau couvrant la période allant de février à novembre 2014 montre que les femmes ont été les plus touchées : 146  cas positifs chez les femmes contre 92 chez les hommes, soit 61,34%. La proportion des cas de décès chez les femmes dépasse de loin celle des hommes : 113 contre 68, soit 62 ,43%.

Source: RAPPORT DE L’ETUDE SOCIO-ANTHROPOLOGIQUE EN APPUI A LA RIPOSTE NATIONALE A LA MALADIE A VIRUS EBOLA. Décembre 2014