Le 10 juillet 2003, 53 chefs d’Etats africains réunis à Maputo s’étaient solennellement engagés à consacrer 10% de leur budget à l’agriculture. Quatorze  ans après cet engagement, seulement sept pays ont honoré cette promesse.

Une fois de plus, notre continent offre une image pas très reluisante de sa gouvernance. En toute liberté, les décisions prises à Maputo découlaient d’un constat alarmant sur la situation de l’agriculture dans les pays africains.

Le tableau est affligeant. Et pour prétendre assurer l’autosuffisance alimentaire dans nos pays, il est impérieux d’inverser la tendance, c’est-à-dire revoir l’allocation des ressources budgétaires. En moyenne, et au cours de la période 1999-2009, la part du budget consacrée par les Etats d’Afrique francophone à la promotion de l’agriculture a été inférieure à 6%. La plus-value paysanne finance ainsi la bureaucratie.

L’argent qui reste pour financer les engrais minéraux, les semences sélectionnées, les herbicides, les fongicides, les infrastructures routières, l’irrigation ou encore les réserves alimentaires en cas de catastrophes est parfaitement insuffisant. La ville avale l’essentiel des fonds disponibles. 3,8% seulement des terres arables d’Afrique subsaharienne sont irriguées.

Sur l’ensemble du continent, il n’existe que 250.000 animaux de trait et quelques milliers de tracteurs. Les engrais minéraux, les semences sélectionnées sont largement absents. Pour des centaines de milliers de paysans du continent, la houe et la machette restent à l’heure actuelle les seuls instruments de production disponibles. Ils pratiquent l’agriculture de pluie comme il y a des milliers d’années.

Pendant le demi- siècle écoulé, la faim en Afrique n’a cessé de s’aggraver. De nos jours, 35% des Africains sont mutilés par la faim. Et selon le rapport de la FAO intitulé Etat de l’insécurité alimentaire dans le monde, l’agriculture mondiale au stade actuel de développement des forces productives, pourrait nourrir normalement 12  milliards d’êtres humains, autrement dit près du double de l’humanité actuelle.

Pour ce qui nous concerne spécifiquement notre pays, l’agriculture qui représente la première source d’emploi, sa part dans l’activité économique reste en deçà de son potentiel. Pourtant toutes les conditions naturelles sont réunies pour faire de la Guinée un grenier de l’Afrique de l’Ouest. Chez nous, les agriculteurs représentent 61% de la population mais 81% des plus démunis. Et ces derniers n’arrivent pas à nourrir la population dépendante des importations alimentaires, en particulier le riz, aliment de base (85kg par an et par personne).

Les ressources naturelles de la Guinée sont effectivement considérables mais sous exploitées : des pluies abondantes, un réseau d’irrigation évalué à 360.000 hectares dont 28000 seulement sont aménagés, 6,2 millions ha de terres arables dont seulement 25% sont cultivées. Idem pour les pâturages. Les contraintes sont en revanche importantes. La taille des  exploitations est en moyenne inférieure à 3 hectares et le système de culture dominant est la défriche sur brûlis. Le taux d’utilisation des engrais est l’un des plus bas d’Afrique soit 5kg/ha contre 10 kg/ha en moyenne sur le continent (90kg/ha au niveau mondial).

De ce qui précède, il revient maintenant à nos décideurs de prendre à bras le corps la promotion du secteur agricole. Notre pays est essentiellement à vocation agricole. A n’en pas douter, ce secteur représente la locomotive de notre développement. Raison pour laquelle les engagements pris à Maputo il y a 10 ans sont toujours d’actualité.

Thierno Saïdou DIAKITE pour JMI           

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