L’enfer…c’est le mot pour résumer la situation à Linsan. Des milliers de personnes en provenance de toutes les régions de la Guinée sont bloquées dans cette sous-préfecture de la région de Kindia, sur la route nationale qui traverse le Fouta Djallon. La file de camions immobilisés sur cette voie et non autorisés à traverser par le pont, ni par la déviation de fortune s’étend sur plusieurs dizaines de kilomètres.
Les véhicules à poids légers qui sont autorisés à traverser le pont sont également bloqués à cause du bouchon provoqué par l’étroitesse de la voie, l’indiscipline de certains conducteurs et surtout la désorganisation des agents chargés de réguler le trafic,  qui laissent d’autres véhicules venir s’embourber dans ce tohu-bohu. Impuissants face à la situation, les agents de la gendarmerie et des milliaires font des va-et-vient sans suite….
Personnes âgées, nourrices, enfants, jeunes, de part et d’autre du fameux pont reconstruit, la peur, la lassitude, l’angoisse, la tristesse, le désespoir et surtout la colère sont palpables et perceptibles sur les visages….
Certains sont bloqués sur cet axe depuis trois, quatre jours, d’autres plus, dans des conditions de précarité extrêmes : pas de nourriture à part les aliments vendus à la sauvette par des jeunes dames qui s’en donnent à cœur joie ; pas de toilettes ; pas  d’eau potable, les passagers sont obligés de dormir à la belle étoile, en pleine brousse avec tous les risques que cela comporte.
Agents des institutions étrangères, commis de l’État, citoyens lambda, personne n’échappe à cette implacable réalité. La situation humanitaire sur place est alarmante avec des risques élevés pour les personnes en mauvais état de santé.
Cette situation d’impuissance des agents dépêchés sur place pour régler le trafic laisse place petit à petit au no man’s land. À quelques mètres du fameux pont, les esprits s’échauffent entre usagers. Certains essayent de suppléer les agents invisibles sur le terrain. Les uns intiment aux autres de céder le passage, pour permettre au flux de bouger, sans y parvenir.
Finalement, plus de bruit que de résultats, car de part et d’autre du pont les véhicules en partance pour la capitale et ceux en destination de province se bloquent mutuellement sur plusieurs kilomètres de bouchons.
Plusieurs dizaines de milliers de tonnes de récolte et de marchandises en provenance des différentes régions du pays ou de Conakry sont bloqués dans les camions stationnés là depuis des semaines. Même le bétail n’est pas épargné par cette situation inédite.
Au-delà des frictions qui ont déjà eu lieu sur place et dont les risques sont toujours perceptibles, c’est le risque de rixes inter-ethniques qu’il faut craindre connaissant la propension du Guinéen au repli identitaire. Les esprits pourraient s’échauffer et vite dégénérer entre passagers originaires de régions différentes et ne partageant pas les mêmes opinions politiques.
Entre Tamagaly et Linsan et jusqu’au niveau de la déviation, des jeunes érigent des barricades par endroits pour extorquer de l’argent aux passagers, à ceux qui prennent l’option moto-taxi pour traverser cet embouteillage monstre de plusieurs kilomètres. Payer pour passer. À défaut, quitter la voix principale pour prendre la déviation.
L’idéal serait d’éviter de se rendre dans ce no man’s land jusqu’à ce que les choses reviennent à la norme. Par contre pour ceux qui souhaitent coûte que coûte se rendre au Fouta, la meilleure option serait d’aller sans trop de bagages, un sac à dos est largement suffisant, mais surtout sans véhicule au risque d’être pris au piège.
Pour ceux qui sont en mauvais état de santé et qui ne supportent pas les secousses des motos taxis à travers les ravins accidentés, le mieux c’est de rester.
Mamadou Aliou DIALLO de retour de Dalaba par Linsan pour JMI  

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