Au-delà des petits détails, on peut s’efforcer d’avoir la largesse de vue de reconnaitre que l’ancien ministre de l’économie sous Lansana Conté a des « ambitions » pour la Guinée. Mieux, on sent sa volonté d’action, mais en tout état de cause, la Guinée vient de loin, Kassory Fofana, a posteriori semble mieux placé pour le savoir, lui qui a passé tant d’années dans l’administration et qui a dirigé l’économie guinéenne dans un passé récent.

Mieux qui quiconque, le Premier ministre actuel, quoique ayant passé de longues années au pays de l’Oncle Sam, côtoie maintenant depuis quelques années l’establishment politique. D’abord en tant que collaborateur puis opposant et aujourd’hui, chef du gouvernement de l’administration Condé.

Tous les chemins ou presque mènent à l’exil

Kassory Fofana en économiste averti ne saurait ignorer le niveau de vie du citoyen lambda ,dont l’écrasante majorité vit avec moins d’un dollar par jour; il ne devrait pas non plus  feindre d’ignorer que l’essentiel de la jeunesse guinéenne, pour ceux qui sortent de l’université, se retrouve sur le marché de l’emploi, avec pas plus de perspectives que les années précédentes.  Le chômage bat son plein et tous les chemins ou presque mènent à l’exil, pour ne pas dire à la migration clandestine…Hélas !

Il ne peut ignorer qu’à cause d’un manque de vision aberrant, la structure de notre économie est tournée vers une économie de rente dont l’essentiel des revenus est tiré de l’exploitation et de l’exportation primaire de nos ressources minières sans transformation préalable. Donc une économie qui ne crée pas vraiment d’emplois comme il faut, et, in fine, qui ne crée pas de richesse.

Élargir l’assiette fiscale est une bonne chose, certes, mais il faudrait trouver un juste milieu, car le rôle de l’État, n’est pas d’appauvrir le citoyen, mais de l’enrichir, d’améliorer ses conditions de vie. Appauvrir le citoyen n’est ni son rôle, ni une option économique. Toute économie qui va à l’encontre de ce précepte n’est pas une économie de développement mais une économie de l’establishment dirigeante.

Le Ghana est sorti de l’économie de la mendicité

Imposer des taxes dans un pays est la chose la plus normale qui soit, à condition que celles-ci servent exclusivement à améliorer les conditions de vie des populations, c’est la condition sine qua non pour légitimer cette imposition.

Cependant même si cette condition préalable est remplie, cette démarche doit tenir être guidée par le bon sens et par certains indicateurs sociaux et non au diktat d’organismes étrangers dont les rapports à l’Afrique flairent un néocolonialisme nonchalant. Le Ghana est sorti de l’économie de la mendicité, du néocolonialisme et du chantage la tête haute, parce qu’il a su concilier émergence et redevabilité.

L’économie de l’establishment et ses avantages ne profitent en réalité qu’a ceux qui dirigent. Les pays qui ont le plus souvent pieds et mains liés aux institutions de Bretton Woods (FMI, Banque Mondiale) qui leur dictent la ligne de conduite économique à suivre et même les poches de recettes à cibler, sont pour la plupart ceux qui n’ont pas su faire dans l’orthodoxie financière et dont les dirigeants s’autorisent des excès sur le dernier public.

Que l’État réduise son train de vie

Sans aucune redevabilité vis-à-vis de leur mandant (le peuple), ils mènent leur pays dans un déséquilibre financier qui nécessite l’intervention de ceux qu’on pourrait qualifier logiquement  de « pompiers opportunistes ». Résultat : le peuple, les mandants doivent payer la facture de leur mauvaise gestion, la Guinée n’est pas en reste de cette réalité.

Augmenter le prix du carburant dans une situation de pauvreté ambiante, de chômage de masse et d’inflation incontrôlée peut avoir un effet domino sur le pouvoir d’achat du citoyen qui peine déjà à s’offrir des services sociaux de base inexistant. Cela non plus, Kassory Fofana en bon économiste, ne peut l’occulter.

La conscience, la bonne foi et l’honnêteté intellectuelle voudrait que si sacrifices il y a à consentir que ceux-ci soient à tous les niveaux,  dans les deux sens. Que l’État réduise son train de vie et gère de manière saine le dernier public, qu’il imprime à sa gestion le principe de redevabilité,permettant d’interroger la gestion de chaque entité et de chaque responsable, c’est seulement à cette condition que le peuple peut accepter les sacrifices au nom de la patrie et non au nom d’un establishment corrompu.

Une économie de l’establishment

La crise actuelle est un indicateur palpable de cette défiance du peuple vis-à-vis de la classe dirigeante qu’il juge insensible à ses peines et trop loin de ses réalités quotidiennes.

Dire au 21 eme siècle que l’augmentation du prix du carburant ou la levée de la subvention sur les produits pétroliers est le seul moyen pour renflouer les caisses d’un État qui regorge dans son-sol la première réserve mondiale de bauxite, minerai essentiel pour élaborer l’aluminium qui est le composant de base de l’aéronautique et élément incontournable pour l’électronique,et qui héberge le gotha mondial des compagnies de l’industrie minière,est la plus grosse aberration qui ait jamais été avancée.

Cela nous ramène à une question fondamentale qui est celle du leadership. Le problème, ce n’est ni Bretton Woods, ni le principe de flexibilité des produits pétroliers, c’est un problème d’approche et de capacité managériale.

Mettre en avant la culture du mérite

Tant que nous continuerons à auto-phagocyter par la manipulation divisionniste des politiciens et à privilégier le copinage en faisant la promotion de la médiocrité et de l’incompétence, il n’y aura aucun rempart pour lutter contre les réflexes de ceux qui veulent instaurer dans ce pays au potentiel extraordinaire,une économie de l’establishment.

Dieu a créé l’homme avec des facultés exceptionnelles, tachons en toute honnêteté de les utiliser à bon escient et en dehors de toute considération égoïste, subjectivement impertinente et qui ne portent aucunement le sceau de la construction de notre projet républicain, de mettre en avant la culture du mérite, de céder le leadership à ceux qui savent utiliser leur matière grise pour trouver des solutions aux problèmes du peuple et de l’humanité, c’est la seule issue…

Mamadou Aliou DIALLO pour JMI

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