Dr Alya Diaby, président de l’Institution Nationale Indépendante des Droits Humains (INIDH), a accordé cette semaine une interview exclusive  à notre rédaction. Une rencontre au cours de laquelle, l’activiste des droits de l’homme a abordé  certains sujets  concernant la vocation réelle de son institution par rapport aux ONG des droits de l’homme  en Guinée, l’existence de la torture dans le pays et bien d’autres encore…    

Justinmorel.info : Que peut-on retenir de votre session ordinaire qui vient de se terminer ?

Dr Alya Diaby : Le 25 juin 2018, la plénière de l’INDH a adopté 11 résolutions en termes de conclusion sur les travaux de la session. Les éléments essentiels de ces résolutions tournent autour de l’adoption d’un point d’action pour le deuxième semestre de 2018. Il y a  essentiellement le rapport annuel de 2017 qui a été adopté au consensus moins un. Il y a le projet de création de la clinique juridique, à l’effet de canaliser toutes les plaintes individuelles, pour assurer un traitement efficace et efficient dans la procédure des dossiers dans le temps imparti. Il y a aussi  un certain nombre de mesures comme la question du cadre organique et d’autres. La plénière a également demandé au bureau de prendre des dispositions pour clarifier la gestion financière de l’organisation. Sur ce, nous sommes obligés de nous adresser à l’inspection générale d’Etat.

Justinmorel.info : Quels sont actuellement vos rapports avec certaines ONG de droits de l’Homme évoluant en Guinée ? 

Dr Alya Diaby : En vérité, nous ne sommes pas une ONG. Les ONG qui défendent les Droits de l’Homme sont généralement établies sous forme de réseaux. Quand elles ont des cérémonies ou manifestations, généralement on reçoit les invitations. Récemment j’ai reçu l’invitation d’Amnesty International de Guinée. Il arrive que d’autres d’ONG nous invitent mais si nous répondons à une invitation, ce n’est pas pour faire une activité avec elle. Nous voulons travailler avec les ONG mais dans le respect de la différence. Chacun fait son travail. Nous ne sommes pas une ONG de dénonciation. L’Institution Nationale Indépendante des Droits Humains agit comme un arbitre entre les intervenants des Droits de l’Homme.

Justinmorel.info : En Guinée, il y a une prolifération d’associations de victimes depuis le premier régime. L’une des dernières est celle des victimes du 28 septembre 2009. Quelle est la position de l’INDH par rapport à ces associations qui réclament justice ?

Dr Alya Diaby : Nous ne sommes pas positionnés contre une association de victimes. Nous,  nous sommes observateurs. Par exemple l’INDH a assisté à la formation des femmes défenseurs  de Droits, où la présidente de l’Association des victimes du 28 septembre était présente. Les entretiens ont été engagés mais si vous voulez puisqu’elles ne sont pas victimes de l’INDH. Et,  l’INDH ne peut pas défendre l’Etat,  nous observons et nous faisons des reportings, le moment venu s’il y a une position à affirmer  sur un plan concret. Nous le ferons.

Nous constatons qu’il y a cette pluralité d’associations de victimes, cela pose des  problèmes  qui  ne sont pas encore réglés. Mais l’INDH ne désespère pas par rapport à tout cela, et nous estimons que c’est à la justice de rendre la justice et nous, nous sommes un observateur par rapport à  cette situation plurielle.

Justinmorel.info : Certains  déposent  généralement des plaintes chez vous pour la violation des droits de l’Homme. Mais le problème est que l’écrasante majorité des citoyens ne savent pas cela. Cependant, si vous apprenez la violation des droits de l’Homme et que les victimes ne viennent pas  vers votre institution pour une plainte. Que faites-vous ?

Dr Alya Diaby : Bien sûr ! Si nous constatons la violation des droits de l’homme, sur notre propre initiative, nous pouvons nous déplacer pour nous informer. La première des choses qu’on fait, c’est de s’informer, c’est ce qu’on appelle le reporting. C’est la première information que nous gagnons de la presse ou des témoins. Après, c’est d’aller sur le terrain pour recueillir d’autres informations. Par exemple, dans le cas de Dar-es-Salam, nous avons envoyé une mission qui s’est informée sur le terrain avec des documentations. Quand les victimes on su que nous nous intéressons à ça, elles  nous ont saisis. Et nous avons fait des interventions. Toutes nos interventions ne sont pas publiques. Celles qui sont efficaces, ne sont même pas portées au grand public. Nous faisons ce que nous pouvons. Mais, il y a trop de choses à faire. Ce que nous faisons, n’est pas tout à faire très visible.

Justinmorel.info : La journée internationale contre la torture vient d’être célébrée. Peut-on toujours dire que la torture existe en Guinée ?

Dr Alya Diaby : Oui malheureusement, il faut constater que la torture existe en Guinée. Depuis la première république, les forces de défense ont toujours utilisé la torture mais il faut reconnaitre que dans ces dernières années, les frontières de la tortures sont entrain d’être repoussées sur le  terrain grâce aux efforts du haut commissariat des droits de l’homme qui fait beaucoup de choses sur le terrain à l’intention des forces de défense et de sécurité.

Par conséquent, depuis que les agents ont été sensibilisés, la chose est entrain de reculer sur le terrain. Mais malheureusement, il faut reconnaitre qu’il y a encore la torture en Guinée. Vous êtes journalistes, vous avez suivi des cas emblématiques ces derniers temps.

Cette journée a été bien fêtée ici où il y a eu de  l’information pour tous ceux qui s’informent des questions de la torture. Surtout le deuxième jour était uniquement pour les forces de défenses et de sécurité. Il y a eu des interventions très poignant.

J’étais déjà très content  de voir dans la même salle ceux qui torturent, ceux qui donnent l’ordre de torturer, ceux qui sont victimes de tortures les associations de défense des victimes, tous dans la même salle. C’était une réussite.

Le Secrétaire Général des Nations Unies a envoyé un message qui a été lu par  le représentant du Haut Commissariat des Droits de l’Homme en Guinée. Et puis tous ceux qui sont organes de défense des droits de l’homme au niveau mondial et régional se sont réunis pour faire une déclaration commune. L’idée transversale, c’est de tout faire pour mettre fin à la torture.

Les progrès sont réalisés à ce niveau  mais ils ne doivent pas s’arreter là La bataille doit continuer.

Justinmorel.info : Votre avis sur l’augmentation du prix du carburant à la pompe ?

Dr Alya Diaby : Pour l’instant, ce n’est pas une question qui se rapporte directement aux droits de l’Homme, nous sommes en observation, nous allons suivre l’évolution de  la situation et s’il y a violation des droits de l’homme, on se fera entendre.

J’estime qu’il n’y a pas d’autres solutions que de dialoguer. J’invite toutes les parties à la retenue et nous demandons à chacune de faire le maximum possible pour s’entendre. On est entre guinéen.

Justinmorel.info : Quel est votre regard sur la nouvelle loi sur la CENI que beaucoup estime politisée ?

Dr Alya Diaby : Je ne sais pas ce que vous appelez ‘’politisée’’. Ce que moi je peux dire, puis que la loi vient d’être adoptée,  l’INDH va se procurer d’une copie de la loi et s’il contient des dispositions qui violent les droits de l’homme ou contraire à la Constitution, la loi permet à l’INDH de saisir directement la Cour Constitutionnelle et nous comptons  assumer notre responsabilité à ce niveau.

Mais en attendant, cette loi a  été votée au parlement mais non promulguée ou publiée. Et puis j’ai même appris que certains membres de l’assemblée nationale voulaient saisir la Cour Constitutionnelle.

Pour le moment,  ce n’est pas une loi sur laquelle nous devons avoir une opinion.

Interview exclusive réalisée par Léon KOLIE pour JMI

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