A l’occasion de la présentation des résultats de l’enquête MICS( Multiple Indicator Cluster Survey)-Palu 2016 à Conakry, nous avons rencontré Aboubacar Kaba, le directeur général de l’Institut national de la statistique et Oumar Diallo, consultant à l’UNICEF chargé de l’enquête MICS 2016. Ils reviennent sur les contours de la réalisation de cette première enquête nationale réalisée depuis l’épidémie d’Ebola. Mais également sur son utilité pour la prise de décision au niveau politique, et aussi dans l’élaboration et le suivi du Plan national de développement économique et social de la Guinée.

Kadijah Diallo: Quel est l’intérêt de cette enquête pour le pays ?

Aboubacar Kaba : Cette enquête s’inscrit dans le cadre du suivi des conditions de vie des ménages en Guinée. Aussi, elle permet de combler un vide en termes d’information pour le suivi de la situation des enfants et des femmes de Guinée. Les informations collectées par la MICS-Palu servent de base à la planification et servent à influencer et informer l’opinion publique. Les données présentées viennent actualiser la plupart des indicateurs de base sur la situation démographique et sanitaire dont la dernière estimation officielle est celle fournie par l’Enquête Démographique et de Santé de 2012.

KD: Quelle est la particularité de cette enquête ?

Aboubacar Kaba : La MICS 2016 a été mise en œuvre dans un contexte particulier. En effet, c’est la première enquête que la Guinée réalise depuis l’épidémie d’Ebola. Ajouté à cela, un autre point innovant de cette enquête est l’intégration des Nouvelles technologies de l’information et de la communication à travers l’utilisation de tablettes informatiques dans la collecte et la transmission des données recueillies sur le terrain.

KD: Combien d’enquête MICS ont été réalisées en Guinée ?

Aboubacar Kaba : C’est la cinquième enquête MICS. Il y a en eu d’autres en 1996, en 2003, en 2008 et en 2012 comme je le disais tantôt, il y a eu l’enquête MICS qui a été combinée à l’EDS, l’Enquête Démographique et de Santé.

KD: Comment les résulats de la MICS 2016 seront-ils utilisés?

Oumar Diallo : Ces données sont très utiles pour la prise de décisions au niveau politique, et aussi dans l’élaboration et le suivi du Plan national de développement économique et social de la Guinée. Ce sont des données importantes aussi pour les partenaires au développement car toutes ces données permettent d’évaluer les programmes passés et en cours, et d’avoir des indicateurs d’impact.

KD: Que sont les indicateurs d’impact ?

Oumar Diallo : Ce sont des indicateurs qui montrent comment les conditions de vie de la population se sont améliorées ou se sont détériorées. Par exemple, lorsque vous prenez les taux de mortalité maternelle ou infantile, c’est la résultante de tous les services fournis au niveau du ministère de la Santé qui montrent si cela s’est amélioré ou détérioré.

KD: Comment les tablettes ont été utilisées et quels ont été leurs apports dans la réalisation de cette enquête ?

Oumar Diallo : Chaque enquêteur avait sa tablette, dans laquelle étaient incorporés les questionnaires. Des tests de cohérence y étaient aussi intégrés, pour éliminer automatiquement les informations erronées. Ensuite les données étaient centralisées par le chef de l’équipe qui les transmettait directement au niveau central à Conakry, toujours au moyen des tablettes. Cela a permis la centralisation instantanée des données et la réalisation du plan d’enquête en un temps record.

KD: A quoi serviront les tablettes après l’enquête ?

Aboubacar Kaba : Maintenant que l’enquête est finie, les tablettes, logiciels et autres outils sont utilisés dans le cadre de l’amélioration de la qualité des outils de collecte du système statistique national. L’INS a veillé à ce que tous les équipements et matériels soient maintenus en bon état pendant toute la durée de l’enquête.

Santé maternelle et infantile: les programmes mis en place par le gouvernement accompagné par les partenaires techniques et financiers dont l’UNICEF ont porté fruit

© UNICEF/Pirozzi

KD: Quelle est votre appréciation des résultats de l’enquête MICS 2016 ?

Aboubacar Kaba : Les résultats indiquent que des progrès ont été enregistrés en ce qui concerne la santé maternelle. Il y a eu un grand progrès car le taux de mortalité maternelle a baissé de 980 décès pour 100 000 naissances en 2005 à 550 décès pour 100 000 naissances en 2016. Le taux de mortalité infantile aussi a considérablement baissé, ce qui nous indique que les programmes mis en place par le gouvernement en particulier le ministère de la Santé accompagné par les partenaires techniques et financiers dont l’UNICEF ont porté fruit dans ce domaine.

Oumar Diallo : Beaucoup d’indicateurs de la santé maternelle et infantile et aussi au niveau de la planification se sont améliorés. Les soins prénatals aussi. D’autres indicateurs tels que l’allaitement exclusif des bébés de 0 à 6 mois ont progressé aussi, ainsi que les soins par un personnel qualifié. Parlant de l’éducation, le taux net de scolarisation tourne maintenant autour de 60,3%. Donc avec des efforts, nous voyons que l’éducation pour tous est à notre portée.

“La réduction de la couverture vaccinale en dépit des efforts fournis peut s’expliquer en partie par la période post Ebola. L’enquête MICS a été conduite en 2016, juste après l’épidémie”

La couverture vaccinale reste faible en dépit des efforts. Crédit photo: UNICEF/Dicko

KD: L’enquête a révélé que certains domaines restent préoccupants …

Aboubacar Kaba : Là où on a encore des problèmes, c’est par exemple au niveau de la vaccination. Le taux de vaccination de nos enfants reste encore très faible. Cela est dû surtout au faible taux de fréquentation des structures sanitaires par nos populations. Il faut dire que les populations n’arrivent pas à conserver le carnet de vaccination qui est pour nous le témoignage que l’enfant a été vacciné. Vous savez, tout indicateur de santé dépend des efforts liés à l’offre et à la demande. Donc au niveau des structures de santé, si les populations ne viennent pas utiliser les services, les indicateurs resteront bas malgré les efforts.

KD: Comment expliquer la réduction du taux de vaccination, et quels sont les autres domaines qui n’ont pas progressé ?

La nutrition des enfants nécessite une amélioration. Crédit photo: UNICEF/M.S Diallo

Oumar Diallo : La réduction de la couverture vaccinale en dépit des efforts fournis peut s’expliquer en partie par la période post Ebola. L’enquête MICS a été conduite en 2016, juste après l’épidémie, et il y avait encore beaucoup de réticences à faire vacciner les enfants. A part la vaccination, d’autres points qui nécessitent une amélioration sont la nutrition, l’hygiène, …

KD: Un mot sur la fiabilité des résultats de la MICS 2016 ?

Oumar Diallo : Les résultats de cette enquête sont très fiables. Durant tout le processus, des normes de qualité ont été mis en place. La qualité et la conformité par rapport aux normes internationales des enquêtes MICS ont été vérifiées, et le processus mis en place sur le terrain respecte aussi les normes de qualité. La norme MICS a été respectée du début à la fin.

KD: Cette enquête est-elle disponible pour le public ?

Aboubacar Kaba : Bien sûr, le fichier des données de la MICS est à la disposition des organismes et des chercheurs qui souhaitent mener des analyses statistiques supplémentaires, aussi bien en Guinée qu’à l’extérieur.

KD: Merci à tous les deux, et félicitations pour ce travail important pour la Guinée.

Propos recueillis par Kadijah Diallo