Le président du Conseil National des organisations de la Société Guinéenne (CNOSCG), Dansa Kourouma, a accordé cette semaine une interview eclusive à JM.info au cours de laquelle, il s’est largement prononcé sur les raisons valables de sa  rencontre avec le responsable du NDI-Afrique, en tant que coordinateur du CODE, la journée internationale de la femme et tant d’autres actualités dominantes qui défraient la chronique dans le pays.

Justinmorel.info :Il parait que le CODE était en désaccord avec le NDI, quelles en étaient les raisons ?

Dansa Kourouma : Il faut reconnaitre que le CODE a eu des relations difficiles avec le NDI après les élections présidentielles de 2015. La raison fondamentale était que le CODE a été instruit par le NDI, d’augmenter le nombre d’observateurs à la dernière minutes qui devait passer de 1500 à 3000. Cette augmentation devait avoir une incidence sur le budget qui était initialement conclu entre les deux partenaires. Donc, on a accepté de faire le travail d’augmentation du nombre d’observateurs à 1500 de plus. Et, les règlements budgétaires n’ont pas suivi de la part de NDI.

Cela veut dire qu’à la dernière minute,  nous avons reçu une mission du NDI vers le  mois de mars 2016, nous demandant que l’option d’augmentation du nombre d’observateurs ne fût pas décidée par NDI-Washington, mais c’était plutôt décidé par NDI-Guinée. A cet effet, on était totalement déçu de cette façon de traiter l’information, parce que nous avons estimé que quand une décision est prise par la représentation nationale d’une organisation internationale, pour nous,  ça peut s’imposer, parce que notre interlocuteur à Conakry, c’est le représentant de NDI à Conakry. Il faut franchement dire que cela a  provoqué beaucoup de tollé en matière d’information et, ça fait couler beaucoup d’encre et, ça a été même récupéré par certains journalistes pour parler de détournement.

Au fait, c’est le INDI qui doit au CODE et, ce n’est pas l’inverse. Quand un contrat est conclu pour 1500 personnes à prendre en charge et qu’à une semaine de l’élection,  vous demandez de faire passer le nombre à 3000, ça doit s’accompagner d’un budget. Le contrat est resté inchangé parce qu’à la dernière minute, la mission qui est venue a dit que les responsables du NDI à Conakry n’ont pas suffisamment communiqué avec  le siège.

Mais,  nous avant de prendre la décision, il y avait les représentants du siège du NDI à Conakry. Il y avait la chargée du programme Guinée au niveau du siège à Washington à Conakry. On a pris la décision de préfinancer l’augmentation du nombre d’observateurs qui devait avoir une conséquence sur le budget qui devait doubler, parce que si le nombre d’observateurs double, le budget doit  doubler. Les primes journalières des observateurs n’ont pas pu être payées à  l’intégralité du montant qui était prévu, parce que le nombre 1500 est passé à 3000 et,  on s’attendait à un remboursement à un mois du scrutin de 2015. Et ce remboursement n’a été effectif qu’après 14 mois. Ce n’est même pas la totalité du montant  qui a été remboursé parce qu’il y a eu des problèmes de documentation qui étaient liés à l’urgence. La comptabilité n’a pas eu suffisamment le temps de justifier tout ce qui était arrivé, et au nom de ses arguments d’écriture, c’est ainsi que le NDI s’est rétracté pour le remboursement du CODE. Il y a eu beaucoup de bataille pour que les informations soient comprises.

Par exemple, des fournisseurs à qui on devait beaucoup  d’argent, mais qui ont accepté de faire confiance au CODE, parce que pendant six ans, on a toujours travaillé dans la confiance  ensemble. Il n’y a pas eu de cris entre nous et les fournisseurs, ce sont certaines personnes malintentionnées qui continuent  de spéculer de mauvaises informations à propos du CODE. Sachez que le CODE n’a été payé que pour 30% du montant que NDI devait. Ces 30% représentaient  aussi les 120 milles dollars. Au lieu de dire qu’il y a eu détournement, au moment où l’information circulait, le NDI devait au CODE 70% plus que ce montant.

Ça veut dire, il y a eu juste de l’information pour animer la polémique dans la cité et, la vérité a triomphé. Après les discussions, les négociations et l’arbitrage,  NDI a reconnu effectivement qu’il devait au CODE, mais qu’il n’a pas reçu suffisamment d’informations pour qu’il puisse payer tout le montant. Le montant qu’ils ont jugé bien motivé, ils se sont engagés à le rembourser. Le Directeur Afrique -NDI, Christopher accompagné d’une forte délégation des membres de l’institution était récemment dans nos locaux dans le but d’expliquer au Code les raisons qui ont fait qu’ils n’ont pas  remboursé tout l’argent qu’il devait à mon institution.

Lors de la mission, malgré notre frustration, on a été agréablement surpris parce que le partenaire a réitéré sa volonté de travailler avec le CODE. Il a dit que le code est la meilleure organisation d’observation électorale dans la sous-région. Le Ghana était la meilleure, mais selon lui,  le travail que nous avons  fait en Guinée pendant ces élections présidentielles de 2015, mettre un processus électoral en place, doublé le nombre d’observateurs et préfinancé l’ensemble de ces opérations,  aucune organisation n’a pu le réussir. Il faut le dire honnêtement, cela s’est passé au Niger.

Mais le Niger n’a pas observé les  élections. Ils n’ont pas pu prêter de l’argent pour compléter  le gap et, faire le travail sur le terrain. Nous avons réussi à le faire. C’est pourquoi le Directeur  nous a d’abord  félicités pour notre courage le fait qu’on  a réuni la confiance autour de nous, malgré l’absence d’argent pour faire ce travail. Les résultats qu’on a présentés, ce sont des résultats qui ont  servi  toute la communauté internationale pour asseoir une opinion sur  la manière dont l’élection présidentielle s’est passée. Ils ont réitéré leur volonté de contribuer au renforcement des capacités du CODE pour que désormais pour des informations financières de dernière minute, notre comptabilité soit capable de mieux documenter les choses.

La dernière chose qui était très positive, le CODE représente l’Afrique francophone au niveau du réseau mondial de surveillance électorale dont le siège se trouve au Etats-Unis. Et, c’est ma modeste personne qui représente l’Afrique francophone pour cette institution. Il y a deux personnes qui représentent cette institution en Afrique de l’ouest. C’est un anglophone et un francophone. Le francophone est Guinéen et l’anglophone il est Sierra-léonais.

Justinmorel.info : le 8 mars était consacré à la journée internationale des femmes. Quel message avez-vous à l’endroit des femmes guinéennes ?

Dansa Kourouma : Il ne faut pas attendre le 8 mars pour rendre hommage à la femme guinéenne. L’hommage à la femme guinéenne, le soutien à la femme guinéenne, le renforcement des capacités, l’autonomisation doivent être un combat continu. Le ministère des affaires sociales  fait beaucoup à travers l’actuelle ministre, qui bouge beaucoup et, fait beaucoup d’actions à l’intention de la femme. Mais quand même, il y a  aussi des actions qu’on doit à ce gouvernement notamment, la mise en place des MUFA et autres structures de microfinance à la base pour aider les femmes à accéder au financement.

Mais les discriminations à l’encontre des femmes persistent encore en Guinée. Ce sont des discriminations d’ordre structurelles comme l’accès à l’héritage, aux ressources à la terre, des glots d’étranglements pour certaines localités de la Guinée. Sur le plan social et politique, il est difficile pour les femmes de prospérer en politique à cause des préjugés. Elles doivent bien étudier à l’école. Elles doivent mettre les chances de leurs côtés. Une femme bien éduquée va mettre au monde une fille bien éduquée. La fille grandit, elle va continuer à éduquer la société. Donc, l’éducation de la société est dans les mains de la femme.

C’est pourquoi pour mieux éduquer les autres, il faut d’abord être bien éduqué. Les femmes doivent faire de l’éducation leur priorité et, nos mamans doivent créer plus d’opportunités pour la femme à l’école que l’homme.

Justinmorel.info : L’actualité guinéenne est dominée par le phénomène de la sextape sur les réseaux sociaux. Quel est votre avis ?

Dansa Kouraouma : Ce n’est pas du tout honorable pour un pays où ceux qui sont même les garants de l’exemplarité sont soupçonnés ou cités. J’ai suivi un débat là-dessus. Il faut reconnaitre que quand la vie privée s’invite à la place publique, il ne faut pas interroger ce qui s’est passé dans la vie privée, interroger ceux qui les ont amenés à la place publique. Il  ne faut pas culpabiliser ceux qui ont leurs vies privées sur les réseaux sociaux, mais culpabilisons beaucoup plus ceux qui les ont portés à la place publique.

Il y a plusieurs facteurs qui peuvent l’expliquer. Il faut bien que le procureur de la république puisse se saisir de ce dossier pour enquêter. Pas parce que les membres du gouvernement sont incriminés, c’est pour ne pas que ce phénomène social devienne un moyen de rançon pour des criminels, parce qu’il y a la cybercriminalité en Guinée, qui n’a aujourd’hui aucune politique digne de ce nom. Le taux de pénétration de la technologie des téléphones portables dans la société guinéenne se fait avec une vitesse foudroyante. Trois guinéens sur cinq disposent d’un téléphone portable !

 

Je ne connais pas quelqu’un dans la société guinéenne qui n’a pas de portable, sauf les mineurs. Même les enfants à partir de quatorze ans, s’ils n’ont pas une tablette, ils ont un téléphone portable. Ce taux de pénétration à des risques aussi pour la société. Il y a des risques de perversion sociétale et, si l’Etat ne prend pas ses responsabilités pour avoir une bonne politique nationale de lutte contre la cybercriminalité, un jour c’est l’Etat qui sera foudroyé par ces révélations ou par des informations de ce genre. S’il n’y a pas d’Etat, il n’y a pas de nation. La nation précède l’Etat, mais sans l’Etat, il n y a pas de nation. J’aimerais bien que ce travail ne se fasse pas comme, on aimerait faire avec notre gouvernement qui fait la politique politicienne, ou de la récupération politique, que ça soit un sujet de société de droit commun, traité par le juge, par une enquête sérieuse.

Au lieu de contrôler les sociétés de téléphonie, on contrôle les citoyens. La plupart des sociétés de téléphonie ont leurs serveurs à l’extérieur. La Guinée n’a pas une société de téléphonie digne de ce nom, même nos autorités de la place ne sont pas à l’abri du piratage, de la grande criminalité et même du terrorisme.  Il faut qu’on respecte la vie privée en Guinée, c’est  très important. Là où on ne respecte pas la vie privée des personnes, c’est une société qui n’a pas de pudeur, c’est une société qui ne va pas se développer. Cela ne m’amène pas aussi à protéger les cadres de l’Etat qui se livrent à des pratiques indécentes ou indélicates. Quand  on atteint à une certaine responsabilité, il faut savoir ou on va et savoir  les actes qu’on pose.

Ce problème sextape  devient une épidémie dans notre pays. Ça n’honore pas le pays. La Guinée est pays à 98% de  croyants. On ne peut pas fouler les mœurs au sol pour les intérêts liés à l’évolution de la technologie. Je suis choqué de ce qui est arrivé à la fille et, ce qui est en train d’arriver aux hauts cadres de l’Etat guinéen. L’Etat doit assumer sa responsabilité.

Justinmorel.info : Quelle lecture faites-vous du nouveau code électoral révisé, issu du point 2 du dialogue inter-guinéen?

Dansa Kourouma : La position de la société civile est claire. Je dirais même toute la société civile guinéenne, parce que je n’ai pas vu une plateforme de la société civile qui soutient ce code. On dit liberté politique, ce n’est pas seulement incarné par les partis politiques, mais aussi incarnée par le citoyen. S’il n’y a pas de citoyen, il n’y a pas d’élection et de parti politique. Du fait que les chefs de quartiers soient nommés sans aucune élection et sans aucune légitimité, la société civile s’est insurgé contre ça. Mais, si ce sont  des élections au suffrage universel qu’on les organise, mais que ça ne soit pas sur une liste d’une élection communale qu’on désigne les chefs de quartiers par ricochet ! Ce n’est pas de la démocratie ça !

Quand je vote pour quelqu’un au niveau de la  commune, pourquoi ma voix va servir pour désigner un chef de quartier. Je crois qu’il  y a un hold-up électoral qui s’est construit  au niveau de l’Assemblée nationale. Mais l’INDH, nous a fait l’honneur cette fois-ci d’accepter le recours de la société civile qu’elle a bien accepté d’introduire au niveau de la cour constitutionnelle. Et,  nous estimons que quand le droit est dit, le verdict de la cour constitutionnelle est sans appel. Et, nous allons nous soumettre au verdict de la cour, malgré que certains pensent qu’après le verdict, on va descendre dans la rue. Non, on ne peut pas être démocrate et fragiliser les décisions démocratiques.

Interview réalisée par Léon Kolié pour JMI

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